L’assurance-vie et les héritiers réservataires en droit français

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Par Martin Piret Gérard, Associé chez CONSILIUM Gst et Martin Le Breton, Conseiller financier et patrimonial chez CONSILIUM Gst

En droit français, l’assurance-vie se situe au carrefour entre le droit civil et le droit des assurances. Analyse et points d’attention.

Qui sont les héritiers réservataires ?

En droit français, certains héritiers sont protégés par la loi. On les appelle les héritiers réservataires. Cela signifie qu’ils doivent obligatoirement recevoir une quote-part minimale de la succession. Cette quote-part minimale est appelée « réserve héréditaire ». La partie dont le défunt peut librement disposer est appelée « quotité disponible ».

Seuls les enfants ont la qualité d’héritiers réservataires. En cas d’atteinte à leur réserve, ces derniers peuvent intenter une action en réduction. La réserve varie selon le nombre d’enfants. Elle est globale et correspond à une fraction de la succession en pleine propriété. A noter qu’en droit successoral belge, la règle diffère. En effet, depuis le 1er septembre 2018, la réserve héréditaire globale des enfants est invariablement fixée à la moitié et ce, quel que soit le nombre d’enfants.

Le conjoint survivant n’est pas un héritier réservataire. Il est donc possible de le priver de ses droits légaux. Une exception existe. En effet, la loi française prévoit que le conjoint survivant acquiert la qualité d’héritier réservataire lorsque le défunt décède sans enfant. Dans cette configuration, la réserve du conjoint survivant est fixée à un quart de la succession.

L’assurance-vie permet-elle d’échapper à ces règles ?

La figure juridique du contrat d’assurance-vie renferme une stipulation pour autrui. Cela explique que les capitaux versés au bénéficiaire n’ont jamais fait partie de la succession du souscripteur défunt. Par conséquent, les règles du rapport et de la réduction ne s’appliquent pas aux capitaux décès et aux primes versées.

Le siège de la matière se trouve à l’article 132-13 du Code français des assurances. Il précise ce qui suit : « le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Compte tenu de ce qui précède, il est possible d’échapper aux règles du rapport et de la réduction sous réserve que les primes versées par le souscripteur ne soient pas manifestement exagérées. Sous cette réserve, tant les capitaux versés au bénéficiaire que les primes versées par le souscripteur dans le contrat d’assurance-vie échappent au mécanisme de protection de la réserve héréditaire.

En droit belge, la solution inverse prévaut depuis le 1er septembre 2018. En effet, l’article 188 de la loi relative aux assurances prévoit qu’« en cas de décès du preneur d’assurance, la prestation d’assurance est, conformément au Code civil, sujette à réduction et à rapport ». Par conséquent, le montant des capitaux versés au bénéficiaire est pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire.

Primes « manifestement exagérées »

En l’absence d’une définition légale du caractère « manifestement exagéré » des primes versées, il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes, il y a lieu de tenir compte de la situation personnelle et patrimoniale du souscripteur, de son âge, de son état de santé ainsi que des motifs qui l’ont incité à investir dans un contrat d’assurance-vie.

Conclusion

Le contrat d’assurance-vie est un outil de transmission patrimoniale particulièrement intéressant. En particulier, il permet au parent-souscripteur d’orienter ou cibler sa générosité et ce, même en présence d’héritiers réservataires. Il convient toutefois de manier cet outil avec précaution et ce, afin d’éviter les mauvaises surprises au moment de l’ouverture de la succession.

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