De plus en plus de petites enseignes belges de restauration se mettent en quête de candidats à la franchise afin d’assurer leur expansion. Des candidats toujours plus nombreux en période de crise. Mais la franchise est-elle la panacée? Témoignages.
On aurait pu croire l’horeca complètement paralysé par la crise. Ce n’est pas le cas. Non seulement pas mal d’établissements – pour autant que le concept s’y prête – fonctionnent plutôt bien grâce à la vente à emporter et à la livraison mais de nombreuses chaînes de fast good , ces nouveaux concepts plutôt hype misant sur la restauration rapide de qualité et qui fleurissent un peu partout, continuent d’ouvrir des établissements. Leur point commun dans cette conquête des espaces les plus branchés? La plupart font désormais le choix de la franchise.
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On aurait pu croire l’horeca complètement paralysé par la crise. Ce n’est pas le cas. Non seulement pas mal d’établissements – pour autant que le concept s’y prête – fonctionnent plutôt bien grâce à la vente à emporter et à la livraison mais de nombreuses chaînes de fast good , ces nouveaux concepts plutôt hype misant sur la restauration rapide de qualité et qui fleurissent un peu partout, continuent d’ouvrir des établissements. Leur point commun dans cette conquête des espaces les plus branchés? La plupart font désormais le choix de la franchise. A en croire la Fédération belge de la franchise, la crise aurait en effet accentué l’intérêt du marché pour ce mode de développement, tant du côté des enseignes horeca que des candidats. “Il y a plein de candidats potentiels sur le marché, confirme Carine Janssens, corporate relations manager. C’est le cas lors de chaque période de crise. Certaines personnes sont malheureusement licenciées, d’autres décident de réorienter leur carrière. Depuis l’an dernier, de plus en plus de candidats franchisés passent par notre plateforme pour rencontrer des franchiseurs.” Côté enseignes aussi, la responsable dit constater un regain d’intérêt: les patrons des nouvelles chaînes de restauration sont de plus en plus nombreux, à s’inscrire aux formations proposées par la fédération. “Ils constatent qu’il y a du potentiel et que pas mal de candidats sont intéressés”, affirme notre interlocutrice. Pour les enseignes, la piste de la franchise revêt de fait un avantage indéniable: elle leur permet de se développer beaucoup plus rapidement car elles ne doivent plus investir dans les nouveaux emplacements. Ce sont les indépendants qui prennent le risque. “Le franchiseur touche des droits d’entrée, des royalties sur le chiffre d’affaires, une marge sur la vente de ses produits, etc.”, ajoute Patrick Kileste, avocat spécialisé en droit de la distribution commerciale au sein du cabinet KMS Partners. Si l’indépendant doit évidemment investir dans son point de vente, la voie de la franchise est pour lui moins risquée, estime notre expert. “Il est clair que c’est plus compliqué en cette période, admet-il. Mais s’il voulait ouvrir seul, ce serait encore plus risqué. Ici, l’entrepreneur ouvre avec l’assistance du franchiseur. Pour autant qu’il s’agisse d’un concept un peu connu, il ne doit pas se préoccuper de réinventer la roue. La chaîne d’approvisionnement est là, il peut bénéficier de formations, etc. Cela peut être plus rassurant pour lui.” Le fait de se lancer maintenant, alors que l’horeca ne peut compter que sur la livraison et la vente à emporter, n’est-ce pas complètement inconscient? “C’est peut-être justement un assez bon moment pour démarrer en douceur”, rétorque l’avocat. Du côté du glacier belge Capoue, on a justement ouvert deux points de vente franchisés en pleine crise: l’un à Nivelles, l’autre à Genval. “Ils n’ont pu fonctionner jusqu’à présent qu’en take-away, avec une ouverture des salles à 50% pendant l’été dernier, mais cela a permis à nos partenaires de se mettre doucement dans le bain”, affirme Antoine de Peyerimhoff, copropriétaire de l’enseigne. Le responsable n’est pas dupe: “Il est évident que certains candidats ont préféré attendre, dit-il. Mais quand nous observons les résultats de nos deux franchisés ayant ouvert l’année dernière, nous pouvons être rassurés. Nous sommes dans un business anti-crise. Les ventes à emporter fonctionnent plutôt bien”. Capoue, qui dispose à ce jour de 13 établissements (dont six franchisés), s’apprête à en ouvrir deux de plus cette année. L’enseigne compte désormais miser à fond sur la franchise avec un objectif, à terme, de 80 points de vente sur tout le territoire. “Nous étions déjà très convaincus par nos premières expériences en franchise, la crise n’a fait que nous conforter dans cette voie, assure notre interlocuteur. Le fait d’aborder cette période avec des franchisés a facilité la gestion de notre réseau. Nous avons eu énormément de remontées d’informations de la part de nos partenaires qui connaissent très bien leurs quartiers respectifs. Lors du premier confinement, nous avons par exemple lancé la livraison à domicile. Nos franchisés étaient prêts tout de suite car nous avons la chance d’avoir un réseau très réactif qui accueille le changement avec beaucoup de résilience.” Si Capoue disposait donc déjà de points de vente franchisés avant la crise, d’autres enseignes se sont carrément lancées sur cette voie l’an dernier. C’est le cas de la petite chaîne belge Bagel Jackson, créée fin 2018 par deux Bruxellois. Après avoir ouvert deux premiers établissements à Uccle et Anderlecht avant la crise, les deux comparses en ont ouvert un troisième à Mons en septembre. Enfin, ce sont plutôt deux indépendants qui ont ouvert le point de vente: “Deux collègues qui nous ont contactés en mai car ils voulaient changer de boulot, explique Elias Zerrad, l’un des deux fondateurs de la chaîne. Depuis qu’ils ont ouvert, leurs affaires se portent bien. Il se fait que notre concept davantage tourné vers le take-away s’accorde parfaitement avec la malheureuse crise actuelle.” Le jeune homme explique vouloir continuer à ouvrir quelques succursales, essentiellement à Bruxelles, mais surtout miser sur la franchise “pour développer notre réseau plus facilement dans les trois Régions”. “Nous sommes pour le moment en pourparlers avec deux-trois franchisés et espérons ouvrir une dizaine d’établissements d’ici l’an prochain. Nous visitons pas mal de locaux.” Des locaux, justement, le chaîne belge Loola, spécialisée dans les pizzas et salades personnalisables, s’en voit proposer dans des endroits auxquels elle n’aurait certainement jamais pu accéder en temps normal. “La crise crée des opportunités, assure son fondateur, Olivier Dumelie. Il y a malheureusement un gros écrémage au niveau food & beverage, ce qui nous ouvre l’accès à des emplacements qui ne nous auraient jamais été proposés.” Loola dispose à ce jour de quatre établissements en Région bruxelloise et à Louvain-la-Neuve. La chaîne devrait en ouvrir un cinquième dans la capitale et une sixième opportunité se présente à Anvers. “On nous a proposé un endroit d’exception sur une artère anversoise très courue, se réjouit le responsable. Quant à l’emplacement bruxellois situé près d’un centre commercial important, nous n’y aurions jamais eu accès en période normale.” Ces deux nouveaux établissements ouvriront “en propre”, comme les précédents – “il s’agit d’occasions à ne pas manquer dans l’urgence”, explique Olivier Dumelie. Mais la chaîne pourrait très bien les franchiser par la suite. “Depuis l’ouverture du premier restaurant en juin 2019, nous avons développé le concept afin de pouvoir le dupliquer. La volonté de nous développer en franchise était déjà là.” Le fondateur, qui espère ouvrir 15 nouveaux établissements dans les trois ans, a profité du premier confinement pour rédiger son contrat de franchise. “Nous avons déjà investi 4 millions d’euros dans nos restaurants jusqu’à présent, signale notre interlocuteur. Je suis seul à bord avec mon épouse. A un moment donné, il faut réfléchir à notre manière d’investir. Si nous avons des opportunités pour des ouvertures ‘en propre’, nous ne fermerons pas les portes, mais nous comptons plutôt nous tourner vers des candidats franchisés.” Le responsable avait d’ailleurs un premier rendez-vous avec un candidat ces jours-ci. Des rendez-vous avec des franchisés, Nicolas Bourgeois-Legrain en a souvent. Le cofondateur de la jeune chaîne belge de woks personnalisables YouWok, qui dispose aujourd’hui de 10 points de vente en propre et d’un établissement franchisé, a toutefois vu le profil des candidats évoluer. “Avant, nous avions surtout d’anciens salariés qui n’avaient rien à voir avec le secteur de l’horeca et qui voyaient dans la franchise une porte d’entrée sécurisante, explique-t-il. Nous avons aujourd’hui beaucoup de professionnels de l’horeca qui voient dans notre concept une manière de reconvertir leur emplacement ou qui souhaitent lancer une activité complémentaire et se diversifier avec une formule horeca plus flexible comme la nôtre. Nous avons en effet un concept extrêmement optimisé qui ne nécessite qu’une équipe très réduite. Cela nous a permis de continuer, de manière générale, à bien fonctionner pendant la crise.” Un atout pour les candidats à la franchise et leurs créanciers. Pour YouWok, 2020 devait normalement être l’année du coup d’accélérateur sur la franchise, l’idée – toujours d’actualité – étant de doubler de taille dans les trois ans et d’atteindre à terme une proportion de deux tiers d’établissements franchisés. “J’ai dû quelque peu freiner, avoue le cofondateur. Je ne le sentais pas, de lancer des franchisés en pleine crise…” Le dernier point de vente de la chaîne, ouvert en janvier dans le centre commercial Docks Bruxsel, devait normalement être tenu par un indépendant. Il a finalement été lancé en propre et autofinancé. “Les banques sont frileuses, explique notre interlocuteur. Nous allons à présent attendre le mois de juin qu’elles rejouent progressivement le jeu, même si nous devrons certainement accompagner nos futurs franchisés. Il est possible que nous devions nous mouiller un peu avec eux.” Certains, dans le secteur, ont une position encore plus tranchée. C’est le cas de Frédéric Duqué, patron de la chaîne belge Bon spécialisée dans les jus, salades, sandwichs et autres desserts. La franchise horeca, pour lui, n’est tout bonnement pas une solution de crise. “Faire entrer des partenaires dans son réseau en cette période est peu moral, juge-t-il. Vous reportez le problème sur quelqu’un d’autre. Vous n’investissez pas votre argent mais vous faites faire des investissements à des indépendants qui auront les mêmes problèmes que ceux que vous auriez connus si vous l’aviez fait vous-même. L’accès aux fonds est plus difficile, le business est moins – voire pas – rentable. Les enseignes qui ont emprunté la voie de la franchise doivent certainement investir énormément d’énergie dans la relation avec leurs franchisés dont elles attendent des royalties alors que ces derniers ne parviennent pas à rentabiliser leur investissement.” Si Frédéric Duqué n’exclut pas de se tourner à un moment donné vers la franchise, l’entrepreneur n’entend en tout cas pas le faire pour ses 25 premiers restaurants (Bon compte aujourd’hui sept points de vente). “Bien sûr, cela permet de reporter l’investissement et l’exploitation sur un franchisé, mais c’est aussi un tout nouveau travail pour le franchiseur qui doit se transformer en contrôleur et animateur de réseau, dit-il. Car le risque est de perdre le contrôle sur vos points de vente. A partir du moment où les banques vous suivent et où vous disposez des fonds nécessaires, je pense qu’il vaut mieux le faire soi-même.”