Un saut d'index serait une victoire à la Pyrrhus

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Ces dernières années, les entreprises ont été en mesure de constituer des réserves qui leur permettent aujourd’hui de faire face à une indexation des salaires.

Selon Edward Roosens, directeur économique de la FEB, les entreprises sont confrontées à une explosion des coûts. En plus de la flambée des prix énergétiques et des prix d’autres matières premières, les entreprises vont faire face dans les mois qui viennent à une forte augmentation des coûts salariaux. Une augmentation qui donnera du fil à retordre à de nombreux chefs d’entreprise. La Banque Nationale s’attend à ce que les coûts salariaux augmentent de 9 % au cours de la période 2022-2023, en lien avec l’accélération de l’inflation. Cette hausse de l’inflation va provoquer, via le mécanisme d’indexation automatique des salaires, une augmentation immédiate des coûts salariaux.

“La compétitivité est en danger dans ce pays”, a martelé le patron de la FEB, Pieter Timmermans. Les sociétés belges risquent d’accuser le coup vis-à-vis des entreprises des pays voisins. “Cela ne restera pas sans conséquence pour nos parts de marché à l’exportation”, avertit la FEB. Un assouplissement de la loi de 1996 sur la norme salariale serait “une erreur stratégique”, selon l’administrateur délégué.

Dans de telles circonstances, presque automatiquement le saut d’index atterrit sur la table des discussions. Le Voka, l’organisation patronale flamande, plaide pour un saut d’index “socialement modulé”, qui entraînerait par exemple que seuls les plus bas salaires profitent d’une indexation. “Il faut oser repenser le mécanisme d’indexation”, souligne Wouter De Geest, président du VOKA. “Nous ne pouvons pas rester aveugles. Si rien n’est fait, on est assuré d’avoir des problèmes majeurs dans certains secteurs”, avertit-il. Pour le VOKA, les modalités peuvent être discutées. Il pourrait s’agir par exemple d’un petit saut d’index.

La FEB propose, quant à elle, la suppression, le blocage temporaire ou une réforme structurelle de l’indexation automatique des salaires. Un débat qui fera rage dans les mois à venir, surtout si l’inflation reste élevée plus longtemps que prévu.

Droit salarial

Les entrepreneurs ont raison de se plaindre, mais un saut d’index est une fausse bonne idée. Premièrement, l’indexation automatique et la loi sur la norme salariale de 1996 sont les deux faces d’une même médaille. Si l’on touche à l’indexation automatique, les syndicats disposent de plus de munitions pour attaquer cette loi sur les salaires. La loi de 1996, qui empêche le coût salarial belge de dérailler par rapport aux pays voisins, a fait ses preuves ces dernières années, car le handicap salarial avec les partenaires commerciaux n’a pas augmenté davantage. En soi, cela peut paraître évident, mais dans un pays comme la Belgique, c’est une réussite tout à fait remarquable.

Les employeurs peuvent considérer qu’il s’agit d’un mal nécessaire pour éviter pire. Cette année, le handicap salarial augmentera de 2 à 3 %, car les salaires en Belgique augmentent plus vite que ceux des pays voisins, mais il s’agit en principe d’un phénomène temporaire. L’Allemagne, la France et les Pays-Bas se débattent également avec une augmentation des prix de l’énergie et une inflation plus forte. Dans les pays voisins aussi, les syndicats ne laisseront pas passer cette perte du pouvoir d’achat, ainsi, les travailleurs de ces pays exigeront et recevront des salaires plus élevés. Laissons donc la loi de 1996 faire son oeuvre, et ce handicap salarial pourra à nouveau être réduit dans les accords salariaux de 2023-2024. Quiconque exige cette correction maintenant, par un saut d’index, risque de faire exploser la norme salariale et, à long terme, cela pourrait coûter beaucoup plus cher aux entreprises. Une hausse de l’indice serait donc une victoire à la Pyrrhus. Les employeurs paient l’indexation automatique maintenant et les employés appliquent la norme salariale plus tard, ce qui constitue un meilleur accord et plus équitable.

Des marges bénéficiaires élevées

Les employeurs ont des raisons stratégiques, mais aussi financières de s’abstenir d’un saut d’index. Ces dernières années, ils ont été en mesure de constituer des réserves qui leur permettent aujourd’hui de faire face à l’indexation des salaires. Cela peut paraître étrange, mais pendant la crise sanitaire, les entreprises ont pu augmenter considérablement leurs marges bénéficiaires.

Fin 2019, le résultat d’exploitation brut des entreprises représentait 42% de la valeur ajoutée. À la fin de l’année dernière, selon les chiffres de la Banque Nationale, cet excédent atteignait 46%, soit bien plus que la moyenne de 39,5 % pour la période 1999-2019. Les entreprises ont pu engranger ces marges bénéficiaires plus élevées grâce à la politique de soutien (assez généreuse) du gouvernement pendant la crise du coronavirus, et aussi grâce au fait qu’au cours des deux dernières années, les prix ont augmenté plus rapidement que les coûts salariaux. Ainsi, aujourd’hui, les entreprises sont en mesure de supporter des coûts salariaux plus élevés. La facture peut être payée en partie en renonçant aux marges bénéficiaires.

Bien sûr, le fait que la compétitivité, les marges bénéficiaires et les possibilités d’investir (et de créer des emplois) sont une fois de plus sous pression, en raison des prix trop élevés de l’énergie, tout cela laisse un goût amer. Et les entreprises comprennent que ce sont elles qui paient la facture énergétique à l’heure actuelle. Toutefois, il n’est guère judicieux pour l’instant de répercuter cette facture sur les particuliers par le biais d’un saut d’index. C’est un combat d’arrière-garde, car à long terme, seul un partenariat entre employeurs, syndicats et gouvernement peut permettre d’augmenter durablement les salaires nets tout en stimulant la productivité et en réduisant les coûts salariaux.

(avec Belga)

Selon Edward Roosens, directeur économique de la FEB, les entreprises sont confrontées à une explosion des coûts. En plus de la flambée des prix énergétiques et des prix d’autres matières premières, les entreprises vont faire face dans les mois qui viennent à une forte augmentation des coûts salariaux. Une augmentation qui donnera du fil à retordre à de nombreux chefs d’entreprise. La Banque Nationale s’attend à ce que les coûts salariaux augmentent de 9 % au cours de la période 2022-2023, en lien avec l’accélération de l’inflation. Cette hausse de l’inflation va provoquer, via le mécanisme d’indexation automatique des salaires, une augmentation immédiate des coûts salariaux. “La compétitivité est en danger dans ce pays”, a martelé le patron de la FEB, Pieter Timmermans. Les sociétés belges risquent d’accuser le coup vis-à-vis des entreprises des pays voisins. “Cela ne restera pas sans conséquence pour nos parts de marché à l’exportation”, avertit la FEB. Un assouplissement de la loi de 1996 sur la norme salariale serait “une erreur stratégique”, selon l’administrateur délégué.Dans de telles circonstances, presque automatiquement le saut d’index atterrit sur la table des discussions. Le Voka, l’organisation patronale flamande, plaide pour un saut d’index “socialement modulé”, qui entraînerait par exemple que seuls les plus bas salaires profitent d’une indexation. “Il faut oser repenser le mécanisme d’indexation”, souligne Wouter De Geest, président du VOKA. “Nous ne pouvons pas rester aveugles. Si rien n’est fait, on est assuré d’avoir des problèmes majeurs dans certains secteurs”, avertit-il. Pour le VOKA, les modalités peuvent être discutées. Il pourrait s’agir par exemple d’un petit saut d’index. La FEB propose, quant à elle, la suppression, le blocage temporaire ou une réforme structurelle de l’indexation automatique des salaires. Un débat qui fera rage dans les mois à venir, surtout si l’inflation reste élevée plus longtemps que prévu.Droit salarialLes entrepreneurs ont raison de se plaindre, mais un saut d’index est une fausse bonne idée. Premièrement, l’indexation automatique et la loi sur la norme salariale de 1996 sont les deux faces d’une même médaille. Si l’on touche à l’indexation automatique, les syndicats disposent de plus de munitions pour attaquer cette loi sur les salaires. La loi de 1996, qui empêche le coût salarial belge de dérailler par rapport aux pays voisins, a fait ses preuves ces dernières années, car le handicap salarial avec les partenaires commerciaux n’a pas augmenté davantage. En soi, cela peut paraître évident, mais dans un pays comme la Belgique, c’est une réussite tout à fait remarquable.Les employeurs peuvent considérer qu’il s’agit d’un mal nécessaire pour éviter pire. Cette année, le handicap salarial augmentera de 2 à 3 %, car les salaires en Belgique augmentent plus vite que ceux des pays voisins, mais il s’agit en principe d’un phénomène temporaire. L’Allemagne, la France et les Pays-Bas se débattent également avec une augmentation des prix de l’énergie et une inflation plus forte. Dans les pays voisins aussi, les syndicats ne laisseront pas passer cette perte du pouvoir d’achat, ainsi, les travailleurs de ces pays exigeront et recevront des salaires plus élevés. Laissons donc la loi de 1996 faire son oeuvre, et ce handicap salarial pourra à nouveau être réduit dans les accords salariaux de 2023-2024. Quiconque exige cette correction maintenant, par un saut d’index, risque de faire exploser la norme salariale et, à long terme, cela pourrait coûter beaucoup plus cher aux entreprises. Une hausse de l’indice serait donc une victoire à la Pyrrhus. Les employeurs paient l’indexation automatique maintenant et les employés appliquent la norme salariale plus tard, ce qui constitue un meilleur accord et plus équitable.Des marges bénéficiaires élevéesLes employeurs ont des raisons stratégiques, mais aussi financières de s’abstenir d’un saut d’index. Ces dernières années, ils ont été en mesure de constituer des réserves qui leur permettent aujourd’hui de faire face à l’indexation des salaires. Cela peut paraître étrange, mais pendant la crise sanitaire, les entreprises ont pu augmenter considérablement leurs marges bénéficiaires. Fin 2019, le résultat d’exploitation brut des entreprises représentait 42% de la valeur ajoutée. À la fin de l’année dernière, selon les chiffres de la Banque Nationale, cet excédent atteignait 46%, soit bien plus que la moyenne de 39,5 % pour la période 1999-2019. Les entreprises ont pu engranger ces marges bénéficiaires plus élevées grâce à la politique de soutien (assez généreuse) du gouvernement pendant la crise du coronavirus, et aussi grâce au fait qu’au cours des deux dernières années, les prix ont augmenté plus rapidement que les coûts salariaux. Ainsi, aujourd’hui, les entreprises sont en mesure de supporter des coûts salariaux plus élevés. La facture peut être payée en partie en renonçant aux marges bénéficiaires.Bien sûr, le fait que la compétitivité, les marges bénéficiaires et les possibilités d’investir (et de créer des emplois) sont une fois de plus sous pression, en raison des prix trop élevés de l’énergie, tout cela laisse un goût amer. Et les entreprises comprennent que ce sont elles qui paient la facture énergétique à l’heure actuelle. Toutefois, il n’est guère judicieux pour l’instant de répercuter cette facture sur les particuliers par le biais d’un saut d’index. C’est un combat d’arrière-garde, car à long terme, seul un partenariat entre employeurs, syndicats et gouvernement peut permettre d’augmenter durablement les salaires nets tout en stimulant la productivité et en réduisant les coûts salariaux.(avec Belga)

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