Transports en commun: la recette de la gratuité

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

C’est Noël avant l’heure pour Paul Magnette. Il demande le train, le bus, les trams et le métro gratuits, au nom de la lutte contre le CO2. L’argument est contesté.

“Vous êtes le cinquième journaliste à m’appeler”, sourit au téléphone Bart Jourquin, professeur à la Louvain School of Management, spécialisé dans les transports. Il est fort sollicité depuis que Paul Magnette a déclaré plaider, dans une interview à notre confrère du Soir, “pour la gratuité des transports en commun”. Le président du PS présente cette mesure comme une contribution possible à la Cop26 à Glasgow, en novembre, dans le catalogue des mesures que prendrait la Belgique pour réduire les émissions de CO2. L’idée n’est pas neuve. Le PS l’avait sortie dans son programme aux précédentes législatives, mais elle devait être limitée aux jeunes jusqu’à 25 ans (comme le préconise aussi Ecolo) et aux plus…

“Vous êtes le cinquième journaliste à m’appeler”, sourit au téléphone Bart Jourquin, professeur à la Louvain School of Management, spécialisé dans les transports. Il est fort sollicité depuis que Paul Magnette a déclaré plaider, dans une interview à notre confrère du Soir, “pour la gratuité des transports en commun”. Le président du PS présente cette mesure comme une contribution possible à la Cop26 à Glasgow, en novembre, dans le catalogue des mesures que prendrait la Belgique pour réduire les émissions de CO2. L’idée n’est pas neuve. Le PS l’avait sortie dans son programme aux précédentes législatives, mais elle devait être limitée aux jeunes jusqu’à 25 ans (comme le préconise aussi Ecolo) et aux plus de 65 ans. Maintenant, il propose de l’étendre à tout le monde, bien que cela ne figure pas dans le programme de la Vivaldi.A l’époque, Bart Jourquin n’y était pas favorable, sauf pour des buts précis, “comme le trajet de l’école, la recherche d’un emploi. Mais pas pour aller à la mer le week-end”. Il n’a pas changé d’avis. “C’est une mesure populiste et improductive, dit-il aujourd’hui. Cela revient à encourager la demande. Or, on devrait plutôt s’efforcer de la réduire! Augmenter la demande, cela a un prix, il faut s’en rendre compte.” Un prix financier et environnemental. L’effet peut être contraire à celui recherché. La maire de Paris, Anne Hidalgo, avait un temps envisagé la gratuité sur la capitale française, puis s’était ravisée en 2019 après avoir fait réaliser des simulations. Le recul attendu du trafic automobile aurait été faible (-2 à -3%), le coût élevé (3,3 milliards d’euros) et il aurait fallu augmenter l’offre pour absorber la nouvelle demande qui n’émane pas forcément d’automobilistes. Un rapport sénatorial français, publié en 2019, indiquait que la majorité des usagers supplémentaires des initiatives locales de gratuité (Dunkerque, Niort, etc.) étaient surtout des piétons et des cyclistes. Dans ses déclarations, Paul Magnette n’a pas beaucoup approfondi son projet. Il a balayé la question du coût en la minimisant. “La billetterie de la SNCB ne lui rapporte que 700 millions d’euros par an, dit-il au Soir. Ce n’est pas grand-chose, on peut facilement les trouver. La taxe de 0,15% sur les comptes-titres rapporte 500 millions par an. En portant le taux à 0,5%, on a largement les moyens nécessaires.” Mais il faudrait aussi ajouter le coût de la gratuité pour la Stib et pour les Tec. Puis investir dans une forte augmentation de l’offre pour rendre les transports plus attractifs et adapter la capacité. De quoi dépasser largement le milliard d’euros par an, en plus des subsides existants (300 euros par habitant rien que pour le rail). Bien sûr, il y a l’exemple du Grand Duché, mis en avant par Paul Magnette (“Ce n’est pas Cuba!”). Notre voisin a mis en place la gratuité sur tous ses transports publics (train, tram, bus) depuis mars 2020, et sorti le carnet de chèques pour augmenter l’offre. L’impact est encore difficile à mesurer car la pandémie a réduit la fréquentation des transports. Notre voisin peut se l’offrir, ses finances publiques le lui permettent. Le pays a une dette publique réduite, à peine 21% du PIB. Et le budget de l’Etat y était excédentaire jusqu’à la crise du covid, qui a eu un impact moindre sur l’économie du pays qu’en Belgique. Le Luxembourg n’est ni Cuba… ni la Belgique.

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