Après une longue carrière de consultant international en fret aéroportuaire, Alain Decors a développé une société d’assistance en escale à Liege Airport. Après deux ans d’activité, Belgium Airport Services traite déjà plus de 10% du trafic local.
La vedette de l’aéroport de Liège, aujourd’hui, est le chinois Cainiao (groupe Alibaba), qui a ouvert son entrepôt en novembre dernier. On en oublierait des acteurs belges, fort actifs sur le site. Belgium Airport Services (BAS) est l’un d’eux. C’est même une start-up, étant donné la jeunesse de l’entreprise, fondée en 2018. BAS est active dans le service en escale ( handling), à savoir le déchargement et chargement des avions, ou encore stockage. Elle emploie actuellement 120 personnes et continue à recruter.
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La vedette de l’aéroport de Liège, aujourd’hui, est le chinois Cainiao (groupe Alibaba), qui a ouvert son entrepôt en novembre dernier. On en oublierait des acteurs belges, fort actifs sur le site. Belgium Airport Services (BAS) est l’un d’eux. C’est même une start-up, étant donné la jeunesse de l’entreprise, fondée en 2018. BAS est active dans le service en escale ( handling), à savoir le déchargement et chargement des avions, ou encore stockage. Elle emploie actuellement 120 personnes et continue à recruter. “Nous sommes arrivés à 160.000 tonnes de fret traité en 2021, contre 105.000 en 2020”, soit au moins 10% du trafic de la plateforme, avance Alain Decors, 57 ans, fondateur et CEO de l’entreprise. Ses concurrents et voisins, dans la zone nord de l’aéroport, sont notamment Swissport, WFS et Aviapartner. Alain Decors n’a pas débarqué en terre inconnue. Il est coauteur d’une étude sur le développement de l’aéroport (dite étude Bouygues/ Tractebel), menée de 1990 à 1991, lorsqu’il travaillait dans une filiale liégeoise du groupe Bouygues. “J’avais 27 ans, c’était passionnant”, se souvient-il. Et nouveau car le jeune diplômé en éducation physique et administration des affaires (ULiège), également conducteur de travaux de formation, était alors actif sur des projets immobiliers. Cette étude lui a permis de voyager partout dans le monde, surtout en Asie, à la rencontre de compagnies aériennes, leur demandant quels étaient leurs besoins pour s’intéresser à un aéroport comme celui de Liège, que les politiques wallons voulaient développer. “J’étais bien accueilli. A l’époque, les interlocuteurs des compagnies visitées n’avaient pas l’habitude qu’un aéroport viennent les consulter”, dit-il. Depuis lors, le virus du fret aérien n’a pas quitté Alain Decors. Il a d’abord été directeur commercial de l’aéroport, avant l’ère de Luc Partoune, qu’il n’a côtoyé que quelques semaines. Il s’en va en 1996, après la signature des contrats Cargo Air et TNT qui allaient lancer le projet de Liege Airport et il crée une société de consultance aéroportuaire, Airfreight Development Worldwide. “Je rédigeais des études pour des aéroports ou pour des groupes qui voulaient participer à la privatisation d’aéroports, pour évaluer par exemple le potentiel de l’activité fret d’un aéroport, les investissements à envisager.” Parmi ses clients figurent plusieurs groupes français, dont ADP (Aéroports de Paris), Egis Airport Operation ou Vinci Concessions. Il a travaillé sur des aéroports dans plus de 60 pays. S’il revient à Liège dans le handling, c’est un peu pour se stabiliser, car la consultance implique énormément de voyages, et pour retrouver aussi le plaisir du sport. Passionné d’athlétisme, Alain Decors a pris en 2018 la présidence du club RFCL Athlétisme. Il a même transformé temporairement un coin d’entrepôt pour y organiser des entraînements. Et puis, le handling, il connaît bien. Un des ses plus importants clients comme consultant fut le groupe français WFS (Worldwide Flight Services), longtemps dirigé par Olivier Bijaoui, actif dans la manutention pour le fret et les passagers (transports des bagages, check-in). Il a été l’homme des “missions spéciales” du CEO lorsqu’il y avait un souci dans tel ou tel aéroport (WFS est déployé sur quasi tous les continents) et a longtemps habité Paris pour rester proche de ses clients principaux. Le retour à Liege Airport s’explique aussi par un changement d’actionnariat de WFS, qui a poussé Olivier Bijaoui à quitter l’entreprise. Alain Decors a alors imaginé, avec son ancien client, ouvrir un service de handling à Liege Airport. Outre le tandem, deux investisseurs, Peter Smith et Ulrich Ogiermann, rencontrés dans le monde aéronautique comme clients ou partenaires, participent à la start-up. Chaque actionnaire détient 25% des parts. Alain Decors dirige l’entreprise, Olivier Bijaoui en est l’ executive chairman. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 18 millions d’euros pour 2021 et s’est avérée rentable dès la première année (446.000 euros après impôt, selon la BNB), en partie à cause – ou grâce – à Liege Airport. Ce dernier n’avait pu leur louer, comme prévu, un bâtiment de 6.000 m2, dans la zone Fret Nord donnant sur les pistes. “Nous n’avions obtenu que 2.000 m2. C’était peu mais finalement, cela a réduit les frais de démarrage”, concède Alain Decors. La société s’est quand même vu attribuer, un an plus tard, un hangar de 6.000 m2 dans la même zone, au début de l’avenue Saint-Exupéry, là où le tarmac touche les champs. “Nous avons aussi eu la chance de voir se développer l’e-commerce, notamment en provenance de Chine”, ajoute le manager. Les compagnies aériennes semblaient ravies de voir arriver un nouveau concurrent avec des noms familiers à sa tête. En deux ans et demi, l’entreprise s’est bien consolidée. “Nous avons sans doute le portefeuille le plus diversifié des handlers de l’aéroport”, se réjouit Alain Decors. Parmi ses clients figurent El Al, Turkish Airlines, DHL, Bolloré, DSV, Amerijet, Maersk, Geodis, Amazon. Ou Kuehne + Nagel, géant allemand du fret pour qui Belgium Airport Services gère un stock “de deuxième ligne”. Cette expression désigne les entrepôts situés hors du site de l’aéroport proprement dit, l’ airside, à l’intérieur du périmètre sécurisé et où les marchandises n’ont pas encore été dédouanées. Les clients sont tantôt des compagnies aériennes, tantôt des transitaires ( freight forwarders) qui se chargent de gérer l’expédition du fret pour une entreprise. Pour assurer son activité, Belgium Airport Services dispose, outre ses installations contiguës aux pistes, d’entrepôts hors de la zone de l’aéroport: 12.000 m2 pour le compte de Kuehne + Nagel, un deuxième de 5.500 m2 pour de l’e-commerce chinois. Belgium Airport Services gère un dernier entrepôt de 14.000 m2 pour le compte d’un client chinois. L’année 2021 a été très bonne pour l’aéroport liégeois en général et pour Belgium Airport Services en particulier. Le premier connaît une croissance continue, qui a bénéficié indirectement de la suppression des vols passagers (pour cause de pandémie) qui emportent également du fret dans leurs soutes, ce qui a boosté les vols full fret. “La fin de l’année a tout de même été plus calme que nous le pensions, l’e-commerce chinois n’a pas donné les volumes espérés”, reconnaît Alain Decors. Sans doute à cause du retour des vols passagers dans les aéroports concurrents et de la pandémie qui déstabilise la production dans certains coins de Chine. C’est peut-être aussi l’effet de la pénurie d’avions full cargo qui touche le secteur. Du coup, les tarifs s’envolent. Un vol aller-retour en 747 vers l’Asie, qui revient autour des 450.000 euros, peut dépasser le million avec les tensions de l’offre et de la demande, ce qui est ennuyeux si une entreprise n’a pas de contrat long terme pour le transport. Certaines peuvent le payer (sans doute celles actives dans le matériel médical: tests covid, seringues) mais l’e-commerce, plus sensible au tarif aérien, en souffre. Pour Alain Decors, ces turbulences ne remettent pas en cause le développement de Liege Airport et de son entreprise. “Nous prévoyons encore une croissance pour 2022, même si elle sera moindre qu’en 2021”, dit-il. Même s’il n’est plus depuis longtemps à la manoeuvre à Liege Airport où il avait contribué comme directeur commercial à attirer les premiers gros opérateurs, Alain Decors garde un oeil ému lorsqu’il parcourt les routes autour de l’aéroport. En roulant entre ses entrepôts sur le tarmac et en seconde ligne, il aperçoit tous les édifices sortis de terre sur les 30 ans qui ont suivi la première étude de développement. Maintenant, il fait partie des entreprises que naguère, au sein de Liege Airport, il espérait attirer.