Sur le créneau de la gestion de la relation client, Efficy commence à devenir un acteur de taille. Cette entreprise belge a fait le pari d’une stratégie d’acquisition qui lui a permis d’avaler trois entreprises étrangères cette année. Et elle vient encore de lever de nouveaux fonds… Rencontre avec Cédric Pierrard, son CEO et cofondateur.
Nul n’est prophète en son pays. Ce n’est pas Cédric Pierrard qui dira le contraire: Efficy, l’entreprise qu’il a fondée à Bruxelles avec Robert Houdart, a développé un CRM (customer relationship management, logiciel de gestion de la relation client), emploie quelque 550 personnes en Europe et réalisera cette année un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros. Pourtant, cette société n’est que très peu connue en Belgique. D’ailleurs, elle ne réalise qu’entre 10 et 15% de ses activités chez nous!
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Nul n’est prophète en son pays. Ce n’est pas Cédric Pierrard qui dira le contraire: Efficy, l’entreprise qu’il a fondée à Bruxelles avec Robert Houdart, a développé un CRM (customer relationship management, logiciel de gestion de la relation client), emploie quelque 550 personnes en Europe et réalisera cette année un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros. Pourtant, cette société n’est que très peu connue en Belgique. D’ailleurs, elle ne réalise qu’entre 10 et 15% de ses activités chez nous! Efficy ne manque cependant pas d’ambition ni de références: pas à pas, la firme poursuit une stratégie qui devrait faire d’elle un des leaders européens indépendants de son créneau, à côté des géants Salesforces, SAP, Microsoft, etc. Dans quel secteur? On l’a dit, le business de cette entreprise consiste en l’élaboration d’une plateforme de CRM, c’est-à-dire de solutions logicielles pour la gestion de la relation des entreprises avec leurs clients, grâce à des produits s’étendant de la facturation au marketing en passant par le service client ou le suivi de projets. Sa solution, Efficy ne la propose toutefois pas aux grandes multinationales. “A leurs yeux, on n’est pas crédible en terme de structure, admet Cédric Pierrard. Nous sommes trop petits pour répondre à leurs besoins. Nous nous adressons par contre à tout le reste du marché, depuis les PME jusqu’aux grandes boîtes.” Ce qui laisse un terrain de chasse particulièrement vaste, évalué au niveau mondial à 80 milliards d’euros, dont 16 milliards en Europe, d’après le boss d’Efficy. La société affiche notamment parmi ses clients des entreprises comme Belfius, qui compterait pas moins de 10.000 utilisateurs de ses solutions. “Quand un grand groupe s’adresse à nous, c’est parce que notre produit est bon, bien sûr, mais aussi parce que nous pouvons garantir la flexibilité et la rapidité de déploiement adéquates.” Une fois en place, un CRM ne se remplace en effet pas si facilement: celui-ci entre dans les systèmes de l’entreprise et crée des habitudes. En changer prend donc théoriquement du temps. Mais pas avec Efficy… “Dans un grand groupe, nous pouvons garantir une mise en place en six mois seulement, argumente le CEO. Et nous pouvons aussi assurer aux PME en grande croissance que notre solution peut grandir avec elles…” Ce qui positionne correctement l’entreprise belge pour attaquer le marché international, ou à tout le moins européen… Efficy est en effet quasiment absent des Etats-Unis. Un choix volontaire: la société n’y a pas déployé de revendeurs partenaires, politique qu’elle a au contraire déployée en Europe et qui lui permet d’assurer une croissance organique de 25%. Car Efficy a surtout l’Europe en ligne de mire. Pour y parvenir, le spécialiste bruxellois du CRM a notamment mis en place une ambitieuse stratégie de croissance par acquisitions (buy and build). Rien qu’en 2021, Efficy a acquis trois firmes, dans trois pays européens: Apsis en Suède, PerfectView aux Pays-Bas et webCRM en Allemagne. Trois rachats qui sont loin d’être les premiers: depuis sa création en 2005, la société a déjà procédé à une dizaine d’opérations d’acquisition en Europe (voir tableau ci-dessous) avec une attention toute particulière portée au marché français où elle emploie aujourd’hui plus de 100 personnes. Cette stratégie répond à différents objectifs. D’abord, en procédant à des rachats dans ces pays, Efficy s’y installe ou s’y renforce un peu plus, répondant à son souhait de devenir un acteur de référence en Europe. D’autant que dans ce cas, la société rachète des portefeuilles clients mais aussi des talents, ce qui se révèle particulièrement précieux sur un marché très concurrentiel. Et lui permet de remplir un deuxième objectif: celui de survivre dans un secteur en pleine consolidation. “Nous ne visons pas la taille pour la taille, précise le boss d’Efficy. On sait néanmoins que sur ce créneau ultra-morcelé du CRM, nombre de petits acteurs ne peuvent pas maintenir un niveau d’innovation suffisant. On estime en effet qu’il faut disposer d’une centaine de personnes en R&D pour innover vite, sans être trop lourd.” Ce quota, la firme bruxelloise l’atteint progressivement, du moins si elle additionne les forces réparties dans les différents pays où elle est présente. Enfin, les acquisitions doivent aussi permettre de rajouter certaines briques technologiques à son offre. Ce fut notamment le cas avec le tout récent rachat (probablement le plus gros réalisé par Efficy) de la firme suédoise Apsis spécialisée en marketing sur bases de données. “Le marketing est très lié au CRM et à sa capacité de générer des leads, précise Cédric Pierrard. Certains clients, notamment des entreprises moyennes de 100 à 200 personnes, cherchent des solutions qui intègrent tout.” Jusqu’ici, Efficy travaillait uniquement avec des partenaires pour cette dimension-là, mais pourra désormais étoffer son offre grâce aux technologies de sa nouvelle acquisition.Le spécialiste bruxellois compte d’ailleurs continuer dans cette voie. “Nous sommes organisés et structurés pour réaliser d’autres acquisitions, confirme Cédric Pierrard. Nous avons dressé une longue liste de 450 entreprises cibles, et nous fixons l’objectif de figurer parmi le top 10 du CRM en Europe d’ici quelques années. Mais nous sommes sélectifs: hors de question de surpayer les entreprises que nous rachetons.” Et le patron d’insister également sur l’importance d’une bonne intégration des acquisitions, ce qui prend du temps. “On veut intégrer les équipes au maximum. A cette fin, le modèle idéal demeure celui où le fondateur de la boîte rachetée reste au sein du groupe, souligne Cédric Pierrard. Malheureusement, cela ne marche qu’une fois sur deux…” Ces acquisitions, Efficy les a jusqu’ici assumées elle-même, sans capital externe. “Toute notre croissance a été autofinancée, insiste le CEO. Nos principales sources étaient les banques.” Et ce n’est pas l’entrée du fonds belge Fortino au capital d’Efficy en 2019 qui a changé l’approche. A l’époque, la manoeuvre avait consisté en une opération secondaire de rachat de parts d’actionnaires existants combinée à une injection de capital. Un investissement réalisé via le fonds growth de Fortino et dont le montant n’avait pas été dévoilé, mais estimé entre 5 et 30 millions d’euros… Une approche qui devrait désormais changer puisqu’Efficy vient tout juste d’annoncer l’entrée à son capital du français Apax Partner, géant du private equity et doté de 4,5 milliards d’euros sous gestion. Son montant, à nouveau, n’a pas été dévoilé mais il est qualifié de “significatif”. Cet apport d’argent frais (l’opération combine elle aussi une partie de rachat d’actions et d’injection au capital) permettra à la société belge de se renforcer et de faire quelques nouvelles emplettes européennes. Forte du soutien d’Apax, Efficy se dit prête à réaliser des acquisitions de toutes tailles, pour des montants entre 1 et… 100 millions d’euros. Avec un intérêt tout particulier sur le marché allemand où évoluent quelques champions du créneau. Il faut dire que les objectifs d’Efficy sont particulièrement ambitieux. En 2019, le groupe annonçait son intention de représenter 5% du marché du CRM indépendant en Europe et d’atteindre 100 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2024. “Mais on y sera avant, se réjouit le CEO d’Efficy. Dès l’an prochain…. Cela nous impose de repréparer un plan stratégique, plus ambitieux. A ce rythme, nous pourrions en effet prétendre arriver à 250 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2024 ou 2025.” La perspective paraît réaliste. “On enregistre une croissance annuelle de 50%, continue Cédric Pierrard. La moitié environ est réalisée de manière organique, l’autre moitié au travers de notre stratégie de buy and build.” Voici deux ans, Efficy n’employait toujours que 250 personnes pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Aujourd’hui, elle est riche de deux fois plus de collaborateurs et trois fois plus de revenus. Et si l’on en croit le CEO, c’est loin d’être fini…