Les fintechs ont donné un coup d’accélérateur à l’innovation dans le secteur de la gestion de fortune. Elles offrent aussi de nouveaux choix aux épargnants en quête de rendement.
Les gestionnaires de fortune doivent et peuvent être plus innovants”, concluait déjà le cabinet de consultance Deloitte avant la pandémie. Une conclusion qui est plus que jamais d’actualité alors que les confinements ont donné un incroyable coup d’accélérateur à la numérisation dans le monde. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour une percée de l’innovation dans la gestion de patrimoine:
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Les gestionnaires de fortune doivent et peuvent être plus innovants”, concluait déjà le cabinet de consultance Deloitte avant la pandémie. Une conclusion qui est plus que jamais d’actualité alors que les confinements ont donné un incroyable coup d’accélérateur à la numérisation dans le monde. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour une percée de l’innovation dans la gestion de patrimoine: Dans l’ensemble, le message est bien reçu par le secteur comme nous le confirme Thomas Van Rompuy, COO de Degroof Petercam Private Banking, première banque privée indépendante du pays. “Une banque privée telle que la nôtre doit être réceptive aux avancées technologiques et capable de les intégrer efficacement dans son offre de services”. Il rappelle toutefois que “le secteur financier, et la banque privée en particulier, est très réglementé, l’innovation n’est donc possible que dans un cadre strict conforme aux exigences du régulateur”. Les nouveautés sont ainsi souvent plus lentes que d’autres secteurs plus prompts à intégrer les toutes dernières technologies. Chez Lombard Odier, qui se développe activement sur le marché belge, notre compatriote Geoffroy De Ridder, responsable technique et opérationnel du groupe suisse, insiste sur les importants moyens dédiés à l’innovation. “Près d’un quart de nos collaborateurs sont affectés au pôle Technologie & Opérations et depuis près de 30 ans, nous investissons dans le développement de notre propre plateforme technologique.” Du côté des grandes banques et du leader belge, BNP Paribas Fortis Private Banking (BNPPF PB), Stéphane Vermeire, general manager, affirme “réinventer les parcours de nos clients avec des solutions innovantes”. Globalement, les acteurs belges sont d’ailleurs assez bien classés en matière de services bancaires numériques. Dans le dernier classement Digital Banking Maturity de Deloitte fin 2020, la Belgique occupe ainsi la troisième place sur 39 pays grâce notamment à une réaction rapide et déterminée à la pandémie. Sur les sept établissements belges analysés, deux se classent même parmi les champions du numérique (dans le top 10 mondial). Qu’est-ce que cela implique pour les clients? “Nos informaticiens travaillent dur pour permettre au client de disposer d’un environnement digital convivial, sécurisé et adapté à ses besoins personnels. Il ne s’agit pas de digitaliser à tout prix, mais bien d’offrir une expérience de private banking toujours plus transparente et efficiente avec des outils performants”, résumait Alexandre Delen, administrateur délégué et responsable IT de Delen Private Bank qui a été élu Best Digital Private Bank de Belgique de 2017 à 2020 par le magazine spécialisé CFI.co. Concrètement, Stéphane Vermeire cite toute une série d’exemples pour BNPPF PB: “MyExperts est un site informatif riche en contenu dédié à l’investissement et à la gestion patrimoniale, Serenity est une solution conseils 100% numérique pour les clients de banque privée, Pax Familia est une plateforme digitale permettant de garder une vue dynamique sur l’ensemble de son patrimoine et de conserver tous les documents qui y sont liés”. L’innovation offre donc de nouvelles possibilités aux clients, que cela soit en matière de contacts, d’informations, d’investissements ou de gestion patrimoniale au sens large. Vous ne devez plus forcément vous déplacer aux heures de bureau pour avoir un avis de votre banque. Les robots-conseillers s’occuperont de plus en plus des tâches plus administratives. L’utilisation des données est essentielle pour permettre au banquier privé de mieux conseiller son client et de lui proposer un service davantage personnalisé. Les coffres numériques sont aussi très en vogue. Cela vous permet de conserver tous vos documents importants allant d’un contrat d’assurance à l’acte de propriété d’un immeuble en passant par un courrier de donation, et de pouvoir les partager de façon sécurisée. Ce qui peut être très pratique, surtout quand plusieurs spécialistes (banquier, notaire, fiscaliste, etc.) doivent plancher sur une même opération. A noter que la Fédération du notariat belge a aussi lancé son coffre-fort numérique, Izimi (izimi.be), il y a quelques mois. La numérisation des contacts entre le banquier privé et son client peut toutefois intriguer. Se fait-elle au détriment des relations personnelles? Les établissements que nous avons interrogés se veulent rassurants à l’image de Thomas Van Rompuy de Degroof Petercam. “La technologie nous permet de réaliser plus efficacement certaines tâches via la numérisation, qu’elles soient ou non imposées par le régulateur. Cela donne au banquier privé plus de temps pour engager le dialogue avec ses clients et être à l’écoute de leurs besoins.” Si le tableau général est assez satisfaisant pour le secteur bancaire belge, Deloitte observe toutefois un écart grandissant entre les champions et les retardataires. Il pointe aussi certains points faibles comme le fait que les solutions numériques des banques belges se concentrent sur Internet alors que les clients sont de plus en plus mobiles. Il insiste aussi sur la nécessité d’investir massivement dans une transformation numérique complète, et ce, tant pour la rentabilité du secteur que pour l’amélioration de la satisfaction des clients. Pour accélérer leur transformation, les gestionnaires de patrimoine ne peuvent uniquement compter sur leur innovation interne et doivent chercher des partenaires. Les collaborations se multiplient ainsi avec les spécialistes des technologies financières (fintechs). Le groupe BNP Paribas est particulièrement actif, ayant trois incubateurs dans le monde, des collaborations avec Apple Pay, Google Pay, etc., et des partenariats avec prises de participation. Il a ainsi misé sur la start-up Gambit qui développe des robots-conseillers en matière d’investissement. En Belgique, BNP Paribas Fortis est actionnaire de Guisquare et propose ainsi sa plateforme patrimoniale Pax Familia à ses clients. Belfius a annoncé en début d’année un partenariat avec Proximus pour lancer une banque mobile baptisée Banx et s’est aussi associé avec la plateforme d’investissement à impact Planet First Partners pour ses clients fortunés. Lombard Odier a “un engagement de longue date avec des écoles et des pôles de recherche et innovation comme l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne)” et a acquis une “participation dans Taurus, une fintech suisse qui développe des solutions en matière d’actifs numériques et de blockchain”, détaille Geoffroy De Ridder. L’établissement suisse collabore aussi avec d’autres fintechs telles Comply, NetGuardians ou Wecan, également active dans la blockchain. Cette technologie initiée par le bitcoin offre en effet de nombreux débouchés prometteurs dans le secteur bancaire, notamment pour la conservation et le partage sécurisé d’informations, ainsi que la rapidité des flux financiers. Si tous les acteurs historiques nous affirment que les fintechs sont des partenaires, Easyvest, la wealthtech belge créée en 2015 se pose plutôt en concurrent, comme nous l’explique Matthieu Remy, CEO et fondateur. “Nous sommes une alternative moderne aux institutions traditionnelles. Depuis 2015, Easyvest génère en moyenne 2% de rendement supplémentaire par an par rapport aux fonds patrimoniaux des grandes banques belges. Cette surperformance s’explique par notre stratégie d’investissement passive qui suit le marché plutôt que d’essayer de le battre et par nos frais de fonctionnement moins élevés. Nous n’avons pas de bureaux luxueux et nous n’organisons pas de soirée privée.” Concrètement, Easyvest “prône une approche de l’investissement passive, utilisant exclusivement des fonds indiciels (trackers, ETF). Aujourd’hui, près de 1.000 familles gèrent 55 millions d’euros, assistées par les conseillers d’Easyvest et son algorithme développé à Harvard”. Cet algorithme est basé sur la théorie moderne du portefeuille d’Harry Markowitz et de William Sharpe, lauréats du prix Nobel d’économie en 1990. Cette théorie est utilisée par d’autres acteurs numériques de la gestion depatrimoine, comme Keytrade Bank (Keyprivate) en Belgique. Globalement, elle définit le processus d’allocation pour créer le portefeuille le plus efficient possible, c’est-à-dire avec un potentiel de rentabilité maximum par un niveau de risque spécifié. Cela ne signifie toutefois pas que vous aurez à chaque fois le même portefeuille. D’une part, chaque gestionnaire utilise une certaine gamme de fonds indiciels. Outre les traditionnels ETF sur actions et obligations, Keyprivate inclut par exemple des trackers sur les matières premières (or et métaux) et les devises. D’autre part, chaque établissement fait intervenir différents aléas comme un comité d’investissement ou des conseillers individuels. Enfin, ne perdez pas de vue les services annexes. Certains se contentent de gérer vos investissements. D’autres, commeEasyvest, offrent des conseils en matière de gestion patrimoniale (transmission) ou de produits spécifiques comme une PLCI ou un contrat d’assurance- vie.Plus que jamais, l’offre est donc disparate allant des wealthtechs, qui ont l’avantage d’être accessibles à tous les épargnants (à partir de 5.000 euros), aux acteurs attachés à une certaine tradition (lire l’encadré “A contre-courant” ci-dessous) en passant par des leaders qui empruntent la voie de l’innovation pas à pas. Dans ce contexte, le mot d’ordre est donc plus que jamais de bien choisir votre partenaire financier selon le type de relations que vous recherchez, le niveau de services en structuration patrimoniale et la philosophie de gestion des investissements.