Loin des idées reçues, les fablabs ne sont absolument pas réservés aux seuls métiers du numérique. Sans compter que l’on a vu se multiplier ces dernières années de nouveaux modèles d’ateliers partagés, qui participent à réinventer le monde du travail.
Quand on évoque les fablabs, on pense généralement imprimantes 3D, découpeuses laser, ordinateurs, etc. Pourtant, le numérique et ses applications sont loin d’être les seules disciplines à pouvoir s’épanouir dans ces espaces le plus souvent accessibles au grand public. Menuiserie, textile, travail du métal… Nombreux sont les domaines plus manuels à trouver leur place dans ces ateliers basés sur le partage d’espaces, de machines, de compétences et de savoirs.
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Quand on évoque les fablabs, on pense généralement imprimantes 3D, découpeuses laser, ordinateurs, etc. Pourtant, le numérique et ses applications sont loin d’être les seules disciplines à pouvoir s’épanouir dans ces espaces le plus souvent accessibles au grand public. Menuiserie, textile, travail du métal… Nombreux sont les domaines plus manuels à trouver leur place dans ces ateliers basés sur le partage d’espaces, de machines, de compétences et de savoirs. Le concept de fablab a été imaginé à la fin des années 1990 par l’Américain Neil Gershenfeld, physicien, informaticien et professeur au célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il constitue le prolongement des hackerspaces et des makerspaces, des ateliers dédiés à la fabrication, qui ont émergé au milieu de la même décennie et dont l’objectif était de mettre à la disposition de professionnels ou d’amateurs des outils, des machines et des machines à commande numérique dans un but de prototypage ou de production à petite échelle. Mais pour être officiellement reconnu en tant que Fab Lab par la FabFoundation, un atelier se doit de remplir une série de critères établis par le MIT et rassemblés sous la forme d’une charte. Cette dernière aborde entre autres la question de l’open source en stipulant que “les designs et les procédés développés dans les Fab Labs peuvent être protégés et vendus comme le souhaite leur inventeur, mais doivent rester disponibles de manière à ce que les individus puissent les utiliser et en apprendre”. Un certain flou autour de la gestion des droits d’auteur ou de licence qui a conduit certains makerspaces à ne pas franchir le pas pour devenir des Fab Labs officiels. C’est notamment le cas de la Micro Factory. “Nous possédons toutes les caractéristiques qui nous permettraient de nous appeler fablab”, confirme Gilles Pinault, cofondateur et coordinateur de cet atelier de fabrication lancé à Bruxelles il y a bientôt 10 ans. “Mais la perception de la part du public est très connotée numérique”, ajoute-il, alors que son projet est résolument multi-domaine. “Pourtant, la définition n’aborde pas cet aspect en particulier. Elle met surtout l’accent sur la notion de partage.” Et de partage, il est clairement question au sein de l’ASBL bruxelloise, puisqu’elle met à la disposition de ses quelque 130 membres des espaces et le matériel nécessaire pour travailler le bois, le métal, l’impression, la céramique, le textile, mais également l’électronique et le numérique. “Nous sommes une plateforme qui permet à des artisans de partager et mutualiser toutes une série de choses, à commence par des outils et des machines, résume Gilles Pinault. C’est pourquoi l’appellation ‘coworking pour artisans’ est probablement ce qui nous définit le plus clairement et que le terme makerspace, beaucoup plus neutre et large que celui de fablab, nous correspond très bien.” Par ailleurs, “les fablabs sont souvent adossés à une université, une institution ou bénéficient de financements publics assez importants, tandis que la Micro Factory est un projet 100% privé”, souligne encore son fondateur. Mais ce qui différencie vraiment l’ASBL bruxelloise des fablabs conventionnels, c’est son fonctionnement très coopératif ainsi que sa dimension communautaire particulièrement marquée. “Au fil des années, environ 750 artisans sont passés par la Micro Factory. Et ces derniers ont progressivement constitué une sorte de trésor dont peuvent profiter les nouveaux membres, explique Gilles Pinault. Car lorsque quelqu’un arrive avec une nouvelle machine, non seulement il apporte l’outil en lui-même, mais il amène également la graine qui permet de former une communauté autour d’un nouveau domaine. Et une fois lancée, l’activité peut se perpétuer.” Une croissance organique qui a toutefois ses limites. “En nous renseignant sur d’autres projets similaires, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une sorte de taille idéale pour une communauté telle que la nôtre. Lorsqu’environ 500 makers se retrouvent ensemble, on atteint le bon mix pour que des collaborations puissent se créer entre les membres, tout en gardant une taille humaine qui demeure gérable. C’est ce but que nous nous sommes fixé et nous espérons l’atteindre d’ici cinq ans. Et par la suite, pourquoi ne pas aider d’autres personnes à répliquer notre concept ailleurs, afin qu’elles ne doivent partir de zéro? Cela permettrait d’augmenter les chances qu’apparaisse une alternative plus communautaire à la fabrication de type usine traditionnelle héritée de la révolution industrielle…” En effet, plus qu’offrir un atelier partagé, la Micro Factory se félicite d’également contribuer à réinventer le monde du travail. “Ce n’était pas le but au départ mais c’est pourtant ce que l’on constate aujourd’hui, se félicite Gilles Pinault. La Micro Factory n’est pas juste un nouvel outil, elle change réellement la vie des artisans et leur façon de travailler. Pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas juste une façon de se lancer. Ils accèdent aux moyens de production, aux collègues, mais également à des collaborations avec des personnes qui disposent d’autres compétences, dans d’autres domaines. Cela devient un nouveau mode de fonctionnement, à mi-chemin entre l’indépendant qui peut être amené à devenir chef d’entreprise et l’employé qui prête allégeance à une entreprise.” Ces dernières années, on peine à compter les espaces de coworking en tous genres qui ont ouvert leurs portes et qui offrent par la même occasion la possibilité de travailler autrement. Des bureaux classiques, des ateliers de fabrication généralistes comme la Micro Factory ou plus spécialisés, en menuiserie par exemple, et même désormais… des cuisines. Lancé il y a quelques années aux Etats-Unis et dopés par les confinements engendrés par la crise sanitaire mondiale, les dark (sombres) ou ghost (fantômes) kitchens sont en plein boom, y compris en Belgique, et en particulier à Bruxelles. Il s’agit de restaurants virtuels qui ne disposent pas d’une devanture physique, comme un établissement conventionnel, et visent uniquement les livraisons à domicile, principalement via des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo. Les avantages pour les restaurateurs sont multiples: moins de charges administratives, pas de service en salle à gérer, mais surtout des loyers bien moins élevés puisqu’une simple cuisine professionnelle suffit pour lancer une activité. Par conséquent, ouvrir une dark kitchen comporte bien moins de risques financiers qu’un restaurant, que ce soit pour une petite chaîne qui cherche à s’implanter dans une nouvelle ville et veut sonder le marché, ou pour un chef qui désire tester et affiner un nouveau concept. “Cela s’inscrit dans le même esprit que notre démarche de coworking pour artisans, estime Gilles Pinault. Ce ne serait peut-être pas facile à faire cohabiter, surtout pour des raisons liées à l’Afsca par exemple, mais je pourrais tout à fait imaginer que naisse un pôle ‘cuisine’ à la Micro Factory.” Parmi les acteurs qui ont récemment émergé dans ce secteur figurent Co-oking, un pionnier de la cuisine partagée à Bruxelles, Cookwork, ou même Foodiz et Casper qui proposent également la livraison de plats cuisinés. Parmi les dernières arrivées, Kumo Kitchens, lancée au début de 2020, propose à la location des cuisines commerciales clé en main au sein d’un atelier partagé situé à Ixelles. “Nous offrons des contrats à partir de six mois, une durée que nous estimons être le minimum nécessaire pour tester le marché, explique l’un de ses trois fondateurs, Charles Van Marcke. Avec deux cuisines à 1.500 euros par mois et deux autres à 1.700 euros, nous offrons la possibilité aux entrepreneurs de l’alimentaire de se lancer avec peu d’investissements en capital et des coûts immobiliers réduits.” En près de deux ans, une dizaine de restaurants virtuels sont déjà passés par les cuisines de Kumo Kitchens, dont plusieurs ont lancé ou sont en train de lancer un restaurant physique. Et encore, l’entreprise a dû refuser bon nombre des demandes qui ont afflué sous l’impulsion de la crise sanitaire. “Le concept des dark kitchens participe clairement à libéraliser et rendre plus accessible le secteur de la restauration, affirme Charles Van Marcke. Mais il ne faut pas pour autant s’imaginer qu’il est devenu facile d’entrer sur le marché. Certes, les petits joueurs reçoivent plus facilement leur chance, ce qui secoue bouscule le statu quo. Mais comme dans toutes les révolutions, ce sont ceux qui sauront le mieux s’adapter et tirer leur épingle du jeu qui survivront sur le long terme.”