Nos quatre grandes banques (KBC, BNP Paribas Fortis, Belfius et ING) ont vu leurs résultats au premier semestre bondir de… 160%! Comment ont-elles fait, après plus d’un an de covid?
La crise! Quelle crise? Après un an et demi de pandémie, KBC, BNP Paribas Fortis, Belfius et ING apparaissent comme bien outillées pour aider les ménages et les entreprises à se remettre de la crise, et les accompagner dans l’embellie actuelle. Les résultats du premier semestre que viennent de publier les quatre ténors sont en effet très, très bons. Ils ont réalisé ensemble au terme des six premiers mois de l’année un bénéfice avant impôt d’environ 4,2 milliards d’euros, contre 1,6 milliard environ un an auparavant.
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La crise! Quelle crise? Après un an et demi de pandémie, KBC, BNP Paribas Fortis, Belfius et ING apparaissent comme bien outillées pour aider les ménages et les entreprises à se remettre de la crise, et les accompagner dans l’embellie actuelle. Les résultats du premier semestre que viennent de publier les quatre ténors sont en effet très, très bons. Ils ont réalisé ensemble au terme des six premiers mois de l’année un bénéfice avant impôt d’environ 4,2 milliards d’euros, contre 1,6 milliard environ un an auparavant. Certes, la comparaison est biaisée puisque, comme on le sait, 2020 fut une année atypique, faisant suite à une pandémie sans précédent. Pour faire face aux éventuels crédits défaillants des ménages et des entreprises touchés par la crise, les banques ont en effet été très prudentes. Elles ont mis beaucoup d’argent de côté sous la forme de très grosses provisions. Des provisions qui, à l’époque, ont fortement raboté les profits et qui, un an plus tard, n’ont quasiment plus raison d’être. Ce qui explique cette multiplication quasiment par trois des résultats sur 12 mois de nos quatre grands réseaux bancaires. Mais au-delà de cet effet de rattrapage par rapport à 2020, “il est significatif de voir que nos banques ont retrouvé des chiffres comparables à ceux qui prévalaient avant la crise”, observe Olivier de Groote, senior partner chez Deloitte. Dernière des quatre principales banques du pays à avoir présenté voici quelques jours ses résultats semestriels, BNP Paribas Fortis, qui regroupe notamment les filiales en Turquie et au Luxembourg ainsi que la société de leasing Arval, affiche à l’issue de ce premier semestre un bénéfice net de 1,143 milliard d’euros. C’est une petite centaine de millions de plus qu’avant le covid. Voici deux ans, à l’issue du premier semestre 2019, la première banque du pays enregistrait un bénéfice après impôt de 1,050 milliard. Le rebond est encore plus significatif chez Belfius qui se pare d’un bénéfice net de 406 millions, contre seulement 21 millions l’an dernier et 305 millions en 2019. Le CEO, Marc Raisière, peut se réjouir: Belfius enregistre ainsi le meilleur premier semestre de son histoire. Même sourire du côté de KBC (et CBC) dont le patron, Johan Thijs, se félicite du résultat “excellent” à l’issue de ces six premiers mois. Avec un bénéfice net de 1,35 milliard, le résultat engrangé dépasse là aussi le niveau de 2019. Quant au résultat brut d’ING (349 millions), il reste certes en dessous des 435 millions engrangés en 2019 mais l’ancienne BBL est un cas un peu à part. La banque a lancé en 2016 un vaste plan de restructuration qui n’est toujours pas terminé. Mais comment nos banques font-elles pour déjà effacer leurs pertes alors que le virus n’a pas dit son dernier mot et que les taux d’intérêt sont toujours aussi bas? En fait, “il y a une sorte d’alignement des planètes, note Olivier de Groote. Plusieurs éléments viennent soutenir en même temps ces bonnes performances opérationnelles et financières. Le premier, c’est bien entendu la bonne marche de l’économie de notre pays”. Comme le soulignait la semaine dernière le patron de la filiale belge de BNP Paribas Max Jadot: “Les banques ne sont pas des êtres éthérés qui vivent dans un monde à part. Elles sont complètement embedded – intégrées – dans l’économie”. “Bien entendu, poursuivait Max Jadot, certains secteurs comme l’événementiel ou le tourisme, voire certaines sous-régions spécifiques, souffrent encore beaucoup. Mais globalement l’économie du pays fonctionne bien, ce qui fait que les résultats des banques et de BNP Paribas Fortis sont bons.” Il est vrai que la reprise est vigoureuse. En Belgique comme à l’étranger. “Partout dans le monde, les résultats des banques sont très positifs, abonde Eric Dor, qui enseigne la finance à l’IESEG de Lille. Le secteur bancaire bénéficie de la forte reprise de l’activité économique, malgré que celle-ci soit obérée par des pénuries qui perturbent la production dans beaucoup de secteurs. Même Ikea a des problèmes pour assurer le suivi de ses produits. Tout le monde est donc un peu surpris mais content: le ‘quoi qu’il en coûte’ a fonctionné, l’économie a été mise sous perfusion grâce aux aides publiques, avec le soutien de la Banque centrale européenne derrière, qui finance indirectement les Etats avec ses rachats d’actifs. Maintenant, l’économie tourne bien et les banques en profitent.” Selon les toutes récentes prévisions de la Banque nationale, l’activité économique gagne en effet encore en intensité et devrait croître de 1,8% au troisième trimestre. Pour les experts de BNP Paribas Fortis, l’économie belge devrait ainsi retrouver son niveau d’avant-crise d’ici la fin de l’année. Et cerise sur le gâteau, enregistrer une croissance de l’ordre de 3% en 2022. Dans ce contexte, les clients des banques, ménages et entreprises, éprouvent moins de difficultés financières. Il y a donc moins d’accidents sur les prêts octroyés. Le “coût du risque”, comme disent les banquiers, diminue. “Malgré la fin de certaines mesures de soutien telles que les moratoires accordés par les banques, le tsunami de faillites envisagé au début de la crise en avril 2020 ne s’est toujours pas matérialisé, souligne Eric Dor. Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, on n’assiste pas à une explosion des prêts non performants, ce qui mécaniquement se traduit dans les résultats des banques.” A titre d’exemple, Belfius a repris 31 millions de provisions au premier semestre alors qu’un an auparavant, la banque avait dû augmenter ses provisions de 393 millions. Mais parallèlement à cette baisse du risque sur les crédits existants, on assiste à une forte demande de nouveaux crédits, notamment hypothécaires. Ici aussi, le covid est passé par là. La pandémie continue d’accroître les besoins en termes d’espace et de lieu. Les prix des appartements avec balcons, terrasses, et des maisons à la campagne s’envolent. Et en plus, comme le compte d’épargne ne rapporte plus rien, on se rue sur la brique. Résultat? Entre début janvier et fin juin, Belfius a produit 30% de crédits hypothécaires en plus. La progression se monte même à 40% de prêts hypothécaires supplémentaires chez ING Belgique. “Le secteur bancaire profite effectivement de la bonne tenue du marché immobilier, explique Eric Dor. Cette bonne dynamique du crédit soutient les revenus des banques même si les taux d’intérêt restent comprimés par la politique monétaire. Elle permet un bon remploi des dépôts des épargnants qui sinon devraient être déposés auprès de la BCE et donc être taxés à 0,5%. Il ne faut pas oublier non plus l’effet des LTRO (pour Long Term Refinancing Operations, Ndlr) qui offrent la possibilité aux banques d’emprunter à un taux d’intérêt très avantageux de – 1% pour autant qu’elles conservent leurs stocks de crédits au secteur privé, ce qui est le cas des banques belges. Tout cela aide: l’effet volume compense la baisse des marges”, dit Eric Dor. A cette machine hypothécaire qui tourne à plein régime s’ajoutent aussi des commissions qui se portent bien. Logique. “Comme les possibilités de consommer ont été réduites au moment des confinements, poursuit Eric Dor, l’épargne a explosé. Globalement, on parle d’une vingtaine de milliards épargnés par les ménages l’an dernier. Les banques font donc face à présent à une énorme demande sur les produits de placements tels que les fonds, etc. Des produits sur lesquels elles touchent évidemment des commissions.” Ces dernières ont, par exemple, progressé chez ING de 18% pour s’établir à l’issue de ce premier semestre à 356 millions d’euros. Bien sûr, ces commissions englobent aussi les hausses de tarifs (compte à vue plus cher, etc.). Des hausses tarifaires qui ne sont pas propres à la maison de l’avenue Marnix. Pour combattre les taux bas, la plupart des banques augmentent leurs tarifs et facturent aux clients ce qui était gratuit auparavant. Gestion de comptes, retraits aux distributeurs, transferts de titres, accès à un conseiller: les exemples de nouveautés en matière de smart pricing ne manquent pas et contribuent aussi à l’amélioration de la rentabilité des banques. Reste que si les quatre principales banques du pays sortent de la crise sans gros dégâts, c’est aussi pour des raisons pré-covid, juge Olivier de Groote. “D’autres éléments d’ordre nettement plus stratégiques que simplement liés à la reprise économique sont à l’origine de cette belle résilience des banques belges. Depuis plusieurs années, elles se transforment pour évoluer dans un environnement de taux bas doublé d’une croissance économique modérée. Et cela alors que le marché bancaire en Belgique est déjà très mature et très compétitif. Leur management est depuis longtemps bien conscient de ces enjeux. En fait, on peut dire que les banques étaient en partie préparées à un choc aussi complexe et exigeant que celui du covid. Outre une gestion se concentrant sur l’essentiel, une bonne maîtrise des coûts et une solvabilité renforcée, elles ont énormément investi ces dernières années non seulement dans le digital mais aussi dans leur raison d’être, notamment en matière de purpose et de sustainability. Si le covid a provoqué un arrêt brutal qui a fait très peur, il a néanmoins permis aux banques de retrouver une certaine forme de confiance auprès de leurs clients.” Avec comme conséquence pour le consommateur à l’avenir? “De nouvelles opportunités en termes de produits et de services”, dit Olivier de Groote. “La crise a fait entrer le digital dans tous les segments de clientèle, avec des tas de possibilités dans le domaine de la santé, de la mobilité, etc. Il faut à présent capitaliser sur cette connectivité tout en gardant à l’esprit que la dimension relationnelle va rester essentielle”, conclut le spécialiste.