Elles ne s’apprennent pas dans les livres ou sur les bancs de l’université. Elles sont innées ou ont été développées par la vie. Les “soft skills” ou le savoir-être ont pris une importance essentielle à l’occasion de la transformation digitale. Une ascension fulgurante que la pandémie a encore accélérée. Le jeu est une façon objective de les mettre en évidence.
Curiosité, esprit d’équipe, empathie, capacité à décider, esprit critique, intégrité, loyauté, créativité, capacité à résoudre des problèmes complexes, leadership, intelligence émotionnelle: voilà quelques-unes des soft skills, ces compétences transversales qui ne s’apprennent pas dans les livres. Des qualités humaines qui révèlent le savoir-être d’un employé, d’un manager ou d’un candidat à un poste à pourvoir. Elles ne sont évidemment pas apparues hier mais elles semblaient ne pas compter face au savoir-faire ou hard skills. La transformation radicale du monde de l’entreprise en raison de la digitalisation les a placées au centre du jeu.
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Curiosité, esprit d’équipe, empathie, capacité à décider, esprit critique, intégrité, loyauté, créativité, capacité à résoudre des problèmes complexes, leadership, intelligence émotionnelle: voilà quelques-unes des soft skills, ces compétences transversales qui ne s’apprennent pas dans les livres. Des qualités humaines qui révèlent le savoir-être d’un employé, d’un manager ou d’un candidat à un poste à pourvoir. Elles ne sont évidemment pas apparues hier mais elles semblaient ne pas compter face au savoir-faire ou hard skills. La transformation radicale du monde de l’entreprise en raison de la digitalisation les a placées au centre du jeu. La libération du travail des contraintes de temps, de lieu et de manière a fait apparaître la nécessité de maîtriser un certain nombre de qualités humaines ; le collaboratif n’a fait qu’exacerber le besoin d’inspiration et de leadership ; la transformation des jobs en métiers à plus-value grâce à l’intelligence artificielle a rendu à l’humain et à ses comportements la place qu’ils auraient toujours dû avoir. Les connaissances et l’expertise ont tendance à s’effacer derrière ces soft skills et la pandémie, qui a jeté des milliers d’employés dans les bras du télétravail obligatoire, a accentué le phénomène. Tant du côté des employés qui doivent être capables d’autonomie et d’organisation que du côté des managers dont l’empathie et la capacité à communiquer et à créer du lien ont été réquisitionnées. Il ne fait aucun doute que ce savoir-être va être abondamment recherché dans les prochaines années. Que ce soit dans le recrutement pur et simple mais aussi en cas de reskilling-upskilling ou, plus largement, de la mobilité interne. Encore faut-il pouvoir les détecter ou confirmer ce qui est annoncé dans un C.V. Jusqu’ici, les chasseurs de tête et les recruteurs se reposaient abondamment sur les fameux tests de personnalité. Le Cabinet Walter, un bureau de recrutement français axé sur les cadres et les managers et basé à Metz, a imaginé une solution beaucoup plus pratique et ludique. Il s’est associé à Pascal Neveu, le directeur de l’Institut français de psychanalyse active, et à Human Games, un studio spécialisé dans les solutions numériques. A trois, ils ont créé Oddity VR. Une méthode d’évaluation des soft skills via la réalité virtuelle. “Ce qui me gêne dans les tests de personnalité, c’est qu’ils placent les gens dans un mode de réflexion, explique Yannick Wellenreiter, patron du Cabinet Walter et directeur général d’Oddity VR. On peut, dès lors, penser que le résultat va être biaisé puisque le candidat va avoir tendance à répondre dans le sens attendu. De même, qui va avouer qu’il est un patron directif? Oddity VR est un outil complètement immersif qui déconnecte et désinhibe le candidat et le révèle tel qu’il est dans la vie de tous les jours. C’est un outil dont la portée est plus large que la cible du cabinet et c’est pour cela que nous avons créé une société à part. L’idée est de permettre une intégration parfaite d’un candidat via ses soft skills. Je m’explique: une entreprise active dans le nucléaire n’a pas besoin de quelqu’un qui soit créatif et innovant mais surtout d’une personne qui respecte les règles (rires).” “J’ajouterais qu’Oddity VR a d’autres applications que le recrutement, renchérit Denis Deguilhen, président d’Oddity VR et ancien DRH de Bouygues Construction. Avec la transformation digitale, les entreprises vont être amenées à repositionner certains de leurs collaborateurs. Les soft skillsont, dans cette optique, un rôle crucial à jouer pour trouver la meilleure trajectoire possible. Une même remarque vaut pour la gestion des talents au quotidien.” Avec Oddity VR, le candidat est immergé, à l’aide d’un casque de réalité virtuelle, dans 12 saynètes différentes qui n’ont rien à voir avec le milieu professionnel. Elles ont des noms évocateurs: le mystère de la chambre bleue, le pont de l’impossible, l’ordre des lumières, le magicien du livre, etc. Evidemment, le but n’est pas de les dévoiler pour garder un effet de surprise encore plus grand. Tout au plus apprendra-t-on que le pont de l’impossible consiste à convaincre quatre personnes de vous accompagner, sur les toits de New York, dans une traversée qui n’autorise aucun vertige. Le principe est de faire l’ensemble des 12 scénarios de trois minutes pour avoir une idée complète de la personne. La grille de lecture mise au point par Pascal Neveu, les balises et les algorithmes permettront d’évaluer le candidat sur 15 soft skills. Mais ce n’est pas tout. “Oddity VR n’est pas une solution en ligne, confie Denis Deguilhen. Et pour cause, nous voulons aussi observer comment le candidat se comporte quand il réalise le test. Les informations recueillies permettent de compléter le score obtenu par les algorithmes. Le déploiement de la solution peut être permanent via le paiement d’une licence pour les entreprises qui recrutent beaucoup ou qui souhaitent accompagner l’évolution du personnel. Oddity VR peut aussi répondre à des besoins plus ponctuels et dans ce cas, soit le client vient chez nous, soit nous nous déplaçons. Le matériel tient en une valise et un écran. Ce n’est pas fastidieux. Même pour venir en Belgique…” Opérationnelle depuis le début de l’année, cette solution, la première du genre en France, a déjà séduit moult entreprises par son côté innovant et spontané. Il faut avouer que, question employer branding, proposer un tel test aux candidats fait son petit effet. D’autant qu’Oddity VR ne pose aucun jugement de valeur. Elle ne fait que révéler qui vous êtes vraiment. En outre, depuis le début avril, elle vient d’ajouter un nouveau module destiné au télétravail. “On n’y teste pas la même chose et ce n’est pas la même grille de lecture, confie Yannick Wellenreiter. Il s’agit de voir comment un employé se comporte en télétravail. Si c’est une solution qui lui convient et jusqu’à quel point. La réalité virtuelle va le placer dans un appartement: la télévision fonctionne, le bébé pleure, le livreur sonne, etc. Nous allons regarder quelle pièce il choisit, comment il s’installe et gère les parasites en termes de concentration et d’efficacité. S’il est capable d’autonomie loin du bureau.” Dans le même ordre d’idées de la révélation du savoir-être par le jeu, Manpower vient de lancer une opération mondiale appelée Gaming2Work. Une campagne virale visuellement très réussie déjà récompensée par des prix. Elle promeut le Gaming Skills Translator, accessible chez nous via manpower.be. Il se base sur l’idée que, plongé dans un univers imaginaire, le joueur est amené à développer des compétences particulières qui, révélées, pourraient s’avérer très utiles dans la vie professionnelle. Avec l’aide de Deepers Signal, une société américaine spécialisée dans l’ assessment et l’évaluation des compétences cofondée par Tomas Chamorro-Premuzic dont on vous a déjà parlé dans ces colonnes, Manpower a mis au point un petit test de trois minutes. Il met en relation les aptitudes mobilisées dans près de 11.000 jeux vidéo et celles nécessaires dans certaines fonctions et secteurs. Le candidat choisit les trois jeux qu’il pratique le plus, le temps qu’il y consacre et, surtout, le niveau atteint. Les algorithmes font le reste et déterminent les compétences acquises et les postes les plus adaptés. “Cette campagne a deux buts, explique Jonathan Penninckx, sales and operations manager chez Manpower et ancien gamer acharné. Conscientiser les gamers aux compétences qu’ils ignorent peut-être posséder et les inviter à les rajouter sur leur C.V. Et, évidemment, à pouvoir en parler confortablement lors d’interviews. Le but de Manpower est d’augmenter l’employabilité de ses intérimaires et cet outil y participe. Nous demandons aux candidats qui sont gamers de nous aider à les aider. Car, évidemment, proposer un tel outil sur notre site est une façon de nous démarquer et de donner envie aux candidats de déposer leur C.V. chez nous. L’autre but majeur de la campagne est d’éveiller les consciences chez les recruteurs. Un candidat, ce n’est pas qu’un C.V. ou un parcours professionnel. Le jeu révèle des compétences qu’il faut prendre en compte. C’est aussi une façon de ne pas passer à côté de certains candidats qui ne répondent peut-être pas à tous les critères classiques. Ancien recruteur, je me souviens que je regardais les hobbies et les pratiques sportives. Etre meneur de jeu dans une équipe de foot est révélateur.” Les études menées par les experts de Manpower ont permis d’associer clairement des compétences avec le type de jeu. Ainsi, s’adonner à des jeux de stratégie et de quiz (Starcraft, League of Legends, Pac-Man, etc.) permet d’affiner des capacités de concentration, de planification, de prise de décision, de persévérance et de créativité. Etre passionné de jeux d’action et de role-play (Counter-strike, Assassin’s Creed, World of Warcraft, etc.) conduit à développer des compétences de collaboration, de communication, de résolution de problèmes et de prise de décision. Enfin, certains jeux vidéo (Minecraft, Mario Bros, etc.) célèbrent l’échec qui y est très facile et apprennent donc à en tirer des leçons, à se perfectionner et à gagner de la confiance. Cela ne vous rappelle rien?