Créée en 2015, l’appli Petit Bambou propose des programmes de méditation guidée ou libre. La pandémie et les confinements successifs ont provoqué un afflux massif de ses utilisateurs. Benjamin Blasco, l’un des deux fondateurs, lève le voile sur les coulisses de cette appli à succès.
Petit Bambou, c’est l’histoire d’un drôle de logo qui représente un moine bouddhiste mi-souriant mi-goguenard. Il représentait une page Facebook créée il y a une petite dizaine d’années par Ludovic Dujardin. Cet ingénieur y partageait des choses très personnelles teintées de philosophie et de psychologie. Une page qui a rapidement trouvé une forte résonance auprès du public français. En 2015, sur base de cette page, Ludovic Dujardin a créé avec Benjamin Blasco, son ami de toujours, l’appli Petit Bambou. Six ans plus tard, elle propose plus de 1.000 programmes de méditation libre ou guidée en six langues à plus de huit millions d’utilisateurs dans le monde. Des programmes faciles d’accès écrits en collaboration avec des experts et qui couvrent de nombreux moments de la vie privée mais aussi professionnelle. Benjamin Blasco analyse avec nous nous les éléments qui ont fait de son appli un véritable succès face aux grosses machines américaines de santé mentale que sont Headspace et Ginger (aujourd’hui en cours de fusion) et Insight Timer, ou des acteurs comme Calm ou Mind.
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Petit Bambou, c’est l’histoire d’un drôle de logo qui représente un moine bouddhiste mi-souriant mi-goguenard. Il représentait une page Facebook créée il y a une petite dizaine d’années par Ludovic Dujardin. Cet ingénieur y partageait des choses très personnelles teintées de philosophie et de psychologie. Une page qui a rapidement trouvé une forte résonance auprès du public français. En 2015, sur base de cette page, Ludovic Dujardin a créé avec Benjamin Blasco, son ami de toujours, l’appli Petit Bambou. Six ans plus tard, elle propose plus de 1.000 programmes de méditation libre ou guidée en six langues à plus de huit millions d’utilisateurs dans le monde. Des programmes faciles d’accès écrits en collaboration avec des experts et qui couvrent de nombreux moments de la vie privée mais aussi professionnelle. Benjamin Blasco analyse avec nous nous les éléments qui ont fait de son appli un véritable succès face aux grosses machines américaines de santé mentale que sont Headspace et Ginger (aujourd’hui en cours de fusion) et Insight Timer, ou des acteurs comme Calm ou Mind. TRENDS-TENDANCES. Comment passe-t-on de directeur du développement business global de PayPal à cofondateur d’une appli de méditation? BENJAMIN BLASCO. J’ai commencé à pratiquer la méditation quand j’étais chez PayPal. Un collègue m’a dit que si j’avais des questionnements sur ma qualité de présence dans ma vie professionnelle et privée, je devais essayer la méditation. Curieusement, moi l’ingénieur sorti d’école polytechnique, plutôt sceptique, ai été tenté par l’expérience. Etre un champion professionnel du multitasking, c’est bien mais cela a un coût. Aucun cerveau n’est capable de faire ça. Les premières sessions m’ont permis de découvrir le gigantesque brouhaha qu’il y avait dans ma tête. Au début, je ne pouvais pas suivre les instructions jusqu’au bout car j’étais incapable de résister à mes pensées. Mais j’ai continué tout en lisant énormément de publications scientifiques sur les bienfaits avérés de la méditation. Ludovic était dans la même démarche que moi. Nous avions, tous deux, envie de créer quelque chose qui ait du sens et qui contribue de façon positive à la société. Les technophiles que nous sommes avons alors eu l’idée d’abaisser le seuil d’accès de la méditation, d’en faire une pratique accessible à l’aide d’une appli. Nous avons quitté nos jobs respectifs, mis chacun 10.000 euros sur la table et nous nous sommes mis au travail. La première version sortie en janvier 2015 a rencontré un succès immédiat… C’est parti tout seul et avec aucun budget marketing. Nous avons eu beaucoup de presse à l’époque. Le petit moine a toujours attiré la sympathie et cela s’est poursuivi sur l’appli. Le bouche à oreille a fonctionné à merveille. Petit Bambou, c’était le tuyau qu’on refilait à ses proches ou à ses collègues à la machine à café. Nous répondions à un besoin du moment. Sans oublier que les utilisateurs francophones ont été ravis de découvrir les participations de Matthieu Ricard ( le célèbre écrivain et moine bouddhiste d’origine française, Ndlr) et de Christophe André, l’un des plus grands psychiatres français qui a introduit la méditation en pleine conscience en psychothérapie. Au bout d’un an, Petit Bambou était déjà rentable. Nous avons pu commencer à nous payer un salaire et à engager du personnel. Comme nombre de services proposés par abonnement, vous avez choisi le modèle “freemium”. Oui et c’est fondamental pour nous. Les huit premières séances sont gratuites. Elles sont essentielles pour savoir si Petit Bambou plaît, si la méditation est quelque chose qui peut aider, s’il est concevable de la faire infuser dans la vie quotidienne et d’en faire une habitude. A partir de là, différentes formules d’abonnement sont possibles à partir de 6,99 euros par mois. Même un abonnement à vie! Ce modèle est confortable pour nous car ce sont des rentrées fixes qui permettent de nous développer et d’offrir de nouveaux contenus aux abonnés. Nous avons entre 1.000 et 1.200 programmes aujourd’hui et huit millions d’abonnés dont cinq millions de francophones et 370.000 Belges. Petit Bambou est aussi disponible en allemand, en anglais, en espagnol, en néerlandais et en italien. Le risque n’est-il pas de voir vos abonnés voler de leurs propres ailes une fois que vous les avez initiés à la méditation? C’est une bonne question ( rires). Honnêtement, Petit Bambou n’est pas LE chemin de sagesse de chacun. A mon sens, il ne représente que quelques pierres sur ce chemin. C’est un outil parmi d’autres pour qui veut méditer. Certains nous quittent pour méditer en silence ou faire des retraites puis reviennent. C’est assez cyclique. Et si les gens nous quittent pour voler de leurs propres ailes, c’est très bien aussi. Cela signifie que nous avons eu un impact positif sur leur vie. Ceci dit, nous avons un taux de rétention assez important, preuve que là aussi, nous avons cet impact. Je précise que nous ne retenons personne, que nous ne faisons aucune offre promotionnelle, que nous ne bradons pas nos abonnements. C’est une question de respect pour notre travail et ceux de nos experts. Ce sont ce respect et cette expertise qui vous permettent d’exister face aux gros acteurs? Sans nul doute. Comme l’authenticité. Petit Bambou a une jolie cote d’amour car l’appli est proche de son public et résonne avec la culture de ses abonnés. Je m’explique: nous travaillons systématiquement avec des acteurs locaux quand nous lançons une langue. Pour être parfaitement en lien avec l’intériorité correspondante. Comme en français, il existe des programmes élaborés par des Belges et des Québécois. Cela permet une diversité d’accès et d’approches. Une inclusion par la différence. J’aimerais aussi signaler le fort esprit de communauté qui règne au sein de l’appli. Nous recevons énormément de témoignages, de messages et de feed-back de nos utilisateurs. Cela nous rend fiers et, en même temps, nous aide à progresser. Vous avez été vite rentables disiez-vous. Vous n’avez donc jamais fait appel à des investisseurs privés? Non. Petit Bambou est un projet d’entrepreneurs avec une vision durable et à long terme. Personne n’attend de retour financier à court terme. Ludovic et moi gérons l’entreprise en bon père de famille et en fonction de nos valeurs. Cette vision nous a permis de grandir patiemment. Nous sommes plus d’une vingtaine dans l’entreprise aujourd’hui. Sans compter les contributeurs extérieurs. Et toujours sans aucun budget marketing? Ah si quand même! Bien que le sujet ne soit pas simple à décliner, nous faisons de la communication et de la pub en ligne. Et même en physique. Il y a un tram à l’effigie de Petit Bambou qui tourne dans Milan ces jours-ci. Nous avons aussi lancé une campagne d’affichage dans le métro parisien. Des choses comme ça. Mais le bouche à oreille reste notre meilleur agent. Les questions de santé mentale n’ont jamais été aussi prégnantes depuis mars 2020. Vous l’avez ressenti sur l’appli? C’est peu dire. En un an, nous avons gagné trois millions d’abonnés. Touchés par un tel afflux mais alarmés en même temps par toute cette détresse mentale générée par la pandémie et les confinements successifs. Ce fut sans doute un peu tard puisque la méditation est plutôt un outil de prévention qui apprend à gérer et faire face. Dans le même temps, nous avons multiplié nos activités en entreprises par 10. Cela reste anecdotique, autour de 5% du chiffre d’affaires, mais cela monte de façon vertigineuse. Les entreprises ont offert l’accès à Petit Bambou à leurs salariés? Absolument. Mais ils nous ont aussi demandé des workshops à distance et même en présentiel aujourd’hui. En France, des sociétés comme L’Oréal et la SNCF ont fait appel à notre expertise. En Belgique, Deloitte et quelques hôpitaux. Beaucoup de salariés ont pris conscience de choses dont ils ne savaient pas qu’ils avaient besoin. Comme ce nécessaire moment de décompression entre les vies pro et privée offert, par exemple, par le trajet travail-domicile. Ce n’est pas terminé encore car le retour au bureau engendre de nouveaux questionnements. Avaler un sandwich en 10 minutes devant son PC au bureau, ce n’est pas une vie. Beaucoup de compteurs ont été remis à zéro pendant la pandémie. Et il y a un fort besoin d’humanité au sein des entreprises. La méditation, c’est se connecter à soi, à l’humain. Cela cadre bien avec les besoins actuels. Vous êtes aussi entrés dans les écoles… Oui, mais pas de façon formelle. Il existe bien une étude en France qui a démarré ou va démarrer sur les bienfaits potentiels de la méditation. Mais jusqu’ici, ce sont les professeurs qui ont spontanément introduit Petit Bambou dans leurs classes. En Belgique aussi. Nous avons lancé des programmes spécifiques destinés aux petits mais aussi aux ados. C’est un sujet qui me touche beaucoup en tant que parent. Mais aussi à titre personnel: que serais-je devenu si j’avais commencé plus tôt? Pour les petits, l’idée est, via des dessins animés, de leur apprendre à développer leur attention, de connaître leurs émotions et de les interpréter. Le succès d’une appli passe obligatoirement par des développements permanents. Quels sont vos projets? Nous avons sorti récemment deux livres. Un ouvrage d’éphémérides et un autre destiné aux enfants. Nous souhaitons évidemment nous ouvrir à d’autres langues et cultures. Et développer de nouveaux programmes liés à la vie quotidienne. Après le cycle féminin, nous allons lancer une série sur la sexualité. Les développements sont aussi digitaux. L’idée est d’offrir l’accès à Petit Bambou partout où c’est possible. Sur le Carplay d’Apple pour diffuser des musiques relaxantes. Mais aussi permettre de lancer un programme via les assistants vocaux comme Alexa, Siri ou Google Home. Rentrer chez soi et pouvoir lancer un programme sans toucher à rien…