Sur le sable chaud d’Antalya, au bord de Méditerranée ou sur les rives du Bosphore, qu’empruntaient encore récemment les navires de guerre, la présence russe est partout en Turquie. Ce qui contraint Ankara, membre de l’Otan et allié de l’Ukraine, à un “délicat” exercice d’équilibre sous peine de vider les hôtels de la côte et de priver ses citoyens de chauffage et de pain, tant sa dépendance est étroite aux touristes, gaz et blé russes pour ne citer qu’eux.
“N’abandonner ni Kiev, ni Moscou” et “ne pas céder sur les intérêts de la Turquie”: le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’est beaucoup investi pour promouvoir une médiation entre les deux pays, a lui-même résumé aux premiers jours du conflit l’équation à laquelle il est soumis.
Il s’est ainsi rendu à Kiev le mois dernier pour y rencontrer le président Volodymyr Zelensky – auquel la Turquie livre les drones de combat qui ont déjà visé les colonnes russes sur le terrain. Et il a réitéré à plusieurs reprises son invitation au président russe Vladimir Poutine à le rencontrer – une offre poliment accueillie par l’intéressé qui n’a pas donné suite. “En réalité, la Turquie est activement engagée au côté de l’Ukraine et se détourne progressivement de la Russie“, estime Ozgur Unluhisarcikli du German Marshall Fund. “Mais elle agit avec prudence pour ne pas s’attirer les foudres en représailles“, indique-il à l’AFP, citant les conflits non réglés entre les deux pays, autant de “points de vulnérabilité” dont Moscou pourrait se servir, en Syrie ou en Libye. En même temps. le président Erdogan s’est rapproché de Moscou ces dernières années après une série de déconvenues et de tensions avec les Occidentaux. Les deux pays sont même parvenus à dépasser la crise qui les a opposés après qu’un avion de chasse russe avait été abattu par la Turquie en 2015.
Un soutien discret à l’Ukraine
C’est que la Turquie dépend de Moscou pour maintenir à flot son économie déjà minée par une inflation à près de 55% sur un an. Ainsi, la Russie a assuré en 2021 44% de ses importations de gaz et ses 4,7 millions de touristes ont représenté 19% des visiteurs étrangers en Turquie. Interrogée par l’AFP, Elizabete Aunina, chercheuse à l’Amsterdam Institute for Social Science, résume ainsi la position de la Turquie: “un soutien discret à l’Ukraine, tout en minimisant toute menace potentielle pour sa propre sécurité, ses intérêts géostratégiques et économiques”. “Mais sans prendre ouvertement parti”, ajoute-t-elle.
La Turquie s’est gardée de se joindre aux sanctions contre les intérêts russes et s’est également abstenue au Conseil de l’Europe lors du vote suspendant la Russie. Ankara s’en tient également à une lecture à la lettre de la Convention de Montreux qui régit la circulation dans le Bosphore et le détroit des Dardanelles, qui ouvre la voie à la Mer Noire.
Sinan Ulgen, directeur du centre d’Etudes Edam à Istanbul évoque une “diplomatie habile”, qui sans “sanctionner la Russie” applique “avec fermeté” le traité.
Sur la table ?
Ankara a ainsi refusé l’accès à trois bâtiments militaires russes les 27 et 28 février – trois jours après le début de l’invasion russe en Ukraine – qui n’étaient pas enregistrés en Mer noire et donc pas autorisés à s’y rendre, a fait savoir mardi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu. Cependant, la plupart des bateaux étaient alors déjà rentrés et déployés, nuance le spécialiste de la Turquie Anthony Skinner. “Le fait que la Turquie n’ait pas fermé son espace aérien aux avions russes ni imposé de sanctions à Moscou, prouve qu’Ankara est soucieux d’éviter une couteuse rupture” ajoute-t-il. Surtout à seize mois de la prochaine échéance présidentielle turque, en juin 2023. Pour M. Skinner, le président Erdogan a pris soin de ne “pas mettre tous ses oeufs dans le même panier” et cette crise peut lui fournir une occasion de se rapprocher des Occidentaux. “La grande question est de savoir ce que Washington et les autres capitales sont prêts à lui offrir”, demande-t-il. “Que vont-ils mette sur la table”? Mardi, M. Erdogan se demandait à point nommé s’il fallait “attendre une guerre contre la Turquie” pour l’intégrer à l’Union européenne.
“N’abandonner ni Kiev, ni Moscou” et “ne pas céder sur les intérêts de la Turquie”: le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’est beaucoup investi pour promouvoir une médiation entre les deux pays, a lui-même résumé aux premiers jours du conflit l’équation à laquelle il est soumis.Il s’est ainsi rendu à Kiev le mois dernier pour y rencontrer le président Volodymyr Zelensky – auquel la Turquie livre les drones de combat qui ont déjà visé les colonnes russes sur le terrain. Et il a réitéré à plusieurs reprises son invitation au président russe Vladimir Poutine à le rencontrer – une offre poliment accueillie par l’intéressé qui n’a pas donné suite. “En réalité, la Turquie est activement engagée au côté de l’Ukraine et se détourne progressivement de la Russie”, estime Ozgur Unluhisarcikli du German Marshall Fund. “Mais elle agit avec prudence pour ne pas s’attirer les foudres en représailles”, indique-il à l’AFP, citant les conflits non réglés entre les deux pays, autant de “points de vulnérabilité” dont Moscou pourrait se servir, en Syrie ou en Libye. En même temps. le président Erdogan s’est rapproché de Moscou ces dernières années après une série de déconvenues et de tensions avec les Occidentaux. Les deux pays sont même parvenus à dépasser la crise qui les a opposés après qu’un avion de chasse russe avait été abattu par la Turquie en 2015. C’est que la Turquie dépend de Moscou pour maintenir à flot son économie déjà minée par une inflation à près de 55% sur un an. Ainsi, la Russie a assuré en 2021 44% de ses importations de gaz et ses 4,7 millions de touristes ont représenté 19% des visiteurs étrangers en Turquie. Interrogée par l’AFP, Elizabete Aunina, chercheuse à l’Amsterdam Institute for Social Science, résume ainsi la position de la Turquie: “un soutien discret à l’Ukraine, tout en minimisant toute menace potentielle pour sa propre sécurité, ses intérêts géostratégiques et économiques”. “Mais sans prendre ouvertement parti”, ajoute-t-elle.La Turquie s’est gardée de se joindre aux sanctions contre les intérêts russes et s’est également abstenue au Conseil de l’Europe lors du vote suspendant la Russie. Ankara s’en tient également à une lecture à la lettre de la Convention de Montreux qui régit la circulation dans le Bosphore et le détroit des Dardanelles, qui ouvre la voie à la Mer Noire.Sinan Ulgen, directeur du centre d’Etudes Edam à Istanbul évoque une “diplomatie habile”, qui sans “sanctionner la Russie” applique “avec fermeté” le traité.Ankara a ainsi refusé l’accès à trois bâtiments militaires russes les 27 et 28 février – trois jours après le début de l’invasion russe en Ukraine – qui n’étaient pas enregistrés en Mer noire et donc pas autorisés à s’y rendre, a fait savoir mardi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu. Cependant, la plupart des bateaux étaient alors déjà rentrés et déployés, nuance le spécialiste de la Turquie Anthony Skinner. “Le fait que la Turquie n’ait pas fermé son espace aérien aux avions russes ni imposé de sanctions à Moscou, prouve qu’Ankara est soucieux d’éviter une couteuse rupture” ajoute-t-il. Surtout à seize mois de la prochaine échéance présidentielle turque, en juin 2023. Pour M. Skinner, le président Erdogan a pris soin de ne “pas mettre tous ses oeufs dans le même panier” et cette crise peut lui fournir une occasion de se rapprocher des Occidentaux. “La grande question est de savoir ce que Washington et les autres capitales sont prêts à lui offrir”, demande-t-il. “Que vont-ils mette sur la table”? Mardi, M. Erdogan se demandait à point nommé s’il fallait “attendre une guerre contre la Turquie” pour l’intégrer à l’Union européenne.