“Tout ce carcan n’est pas adapté ; la crise sanitaire que nous venons de vivre montre que la force d’une structure hospitalière, c’est son agilité, insiste Fabienne De Zorzi (CHR Citadelle à Liège).
“On sent bien que l’avenir des soins de santé va s’orienter dans cette voie: des hospitalisations plus courtes, voire des séjours hors du milieu hospitalier, renchérit Fabienne De Zorzi, directrice Stratégie & Développement du CHR Citadelle à Liège. C’était déjà la tendance, mais cette crise nous permet d’accélérer le mouvement. Nous savons que nous devons trouver des lits et qu’il faut développer des solutions alternatives.” L’établissement liégeois a, par exemple, travaillé lors de la deuxième vague avec des maisons de repos qui avaient des places. “Elles nous ont consacré des ailes pour les patients remis du covid en revalidation. Avec un personnel moindre que dans un hôpital, ce qui permettait de libérer des lits d’aval pour des patients plus gravement atteints. Au début, nous nous sommes fait mitrailler parce que nous avons pris cette initiative spontanément, sans schéma de financement. Cela n’a pas été vu d’un bon oeil par la Région wallonne. Or, cela coûte moins cher. Le problème, c’est que les maisons de repos sont financées par la Région et les hôpitaux par le fédéral. Nous, notre préoccupation, c’est la qualité des soins, accueillir un maximum de …
“On sent bien que l’avenir des soins de santé va s’orienter dans cette voie: des hospitalisations plus courtes, voire des séjours hors du milieu hospitalier, renchérit Fabienne De Zorzi, directrice Stratégie & Développement du CHR Citadelle à Liège. C’était déjà la tendance, mais cette crise nous permet d’accélérer le mouvement. Nous savons que nous devons trouver des lits et qu’il faut développer des solutions alternatives.” L’établissement liégeois a, par exemple, travaillé lors de la deuxième vague avec des maisons de repos qui avaient des places. “Elles nous ont consacré des ailes pour les patients remis du covid en revalidation. Avec un personnel moindre que dans un hôpital, ce qui permettait de libérer des lits d’aval pour des patients plus gravement atteints. Au début, nous nous sommes fait mitrailler parce que nous avons pris cette initiative spontanément, sans schéma de financement. Cela n’a pas été vu d’un bon oeil par la Région wallonne. Or, cela coûte moins cher. Le problème, c’est que les maisons de repos sont financées par la Région et les hôpitaux par le fédéral. Nous, notre préoccupation, c’est la qualité des soins, accueillir un maximum de personnes pour les sauver… Les médecins ont eu cette idée-là avec les assistants sociaux. Dans un premier temps, nous n’avons pas senti que notre créativité bénéficiait d’un grand soutien.”Le problème, résument nos interlocuteurs, c’est que les hôpitaux ne sont pas encouragés à mettre en oeuvre des innovations médicales. “Nous avons, par exemple, lancé à la fin du mois de décembre 2021 la LifeVest, une veste-défibrillateur intelligente, raconte Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR Citadelle à Liège. C’est remboursé en France ou en Allemagne mais pas encore chez nous. C’est 3.000 euros par mois: impossible de répercuter ce coût-là sur le patient. Nous avons marqué notre accord pour le faire à titre expérimental, sur fonds propres, en espérant qu’un jour cela soit remboursé. D’autres médecines expérimentales de pointe, comme la chirurgie par le robot, permettent une hospitalisation plus courte, mais là non plus, ce n’est pas remboursé. Si vous voulez attirer des médecins de qualité, il faut aussi leur permettre de développer des nouvelles technologies. Dans la balance, cela permet en outre d’attirer de la patientèle. Mais le financement que l’on reçoit ne correspond pas.””Ce qui nous pose le plus de problèmes aujourd’hui, c’est le financement des honoraires à l’acte, ajoute Gauthier Saelens, directeur général du Grand Hôpital de Charleroi. Les médecins sont très majoritairement payés de cette façon. Evidemment, dans une situation comme celle-là, si tout l’hôpital est occupé par des lits covid, le chirurgien ne peut pas opérer et ne gagne plus rien. Ce n’est pas normal. On devrait prévoir un système de financement qui garantit un socle de présence médicale qui soit en partie détaché de chaque acte. Des hôpitaux sont en grande difficulté dans ce contexte-là.”Renaud Mazy, CEO des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, dénonce lui aussi ce financement à l’acte, d’autant plus qu’il se fait dans un système de budget à enveloppe fermée. “Plus vous voyez de patients, plus les pathologies sont sévères, plus vous obtenez des points pour bénéficier d’une part de cette enveloppe, résume-t-il. Immanquablement, les hôpitaux sont globalement poussés vers davantage d’activité, davantage de pression sur le personnel. C’est un modèle dont nous devons absolument sortir parce qu’il pousse à aller trop vite.Tôt ou tard, cela a un impact sur la qualité des soins. Les personnes meurent-elles plus qu’avant pour cela? J’aurais tendance à dire que non. Mais font-elles davantage de complications? Oui. Quand vous poussez des gens dehors plus tôt que prévu, c’est inévitable.”Ces appels à un changement de modèle seront-ils pris en considération? “Le ministre Frank Vandenbroucke a une réforme qui est pratiquement finalisée, affirme le CEO des Cliniques Saint-Luc. Elle revoit le financement des hôpitaux, mais cela signifie qu’il faudra également revoir la nomenclature, la rémunération pour chaque acte posé et qu’il s’agira de réfléchir au rôle de chacun des hôpitaux dans le pays.” Un vaste chantier dont l’aboutissement n’est pas pour demain.”Je ne suis pas du tout optimiste, grince Philippe Leroy, directeur général du CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Je pense qu’aucune leçon n’a été tirée de cette crise en termes de responsabilisation, d’autonomie. Ce n’est pas simplement lié à un ministre ou à un gouvernement, l’enjeu se situe aussi au niveau de l’administration au sens large. Or, ce manque de responsabilisation et d’autonomie bloque l’innovation. En Belgique, par exemple, nous avions tout ce qu’il fallait pour développer des respirateurs au début de la crise, alors que le risque était grand d’en manquer. Des chercheurs avaient mis au point un système, des industriels étaient prêts à les produire, notamment Audi Forest. Tout était en place mais l’administration a bloqué net. En tant qu’Etat, nous nous auto-inhibons en matière d’innovation. Nous devrions être capables, hors d’une situation de crise, de faciliter les initiatives. Regardez la première mondiale que constitue la transplantation d’un coeur de porc sur un homme: cela devrait être possible chez nous aussi.” La première mondiale, réalisée aux Etats-Unis, a fait la une des médias du monde entier.