La fin des Gafam en Bourse?

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Depuis quelques mois, les valeurs technologiques sont à la traîne en Bourse. Les géants comme Google/Alphabet, Apple, Meta/Facebook, Amazon et Microsoft perdent de leur éclat. L’heure est-elle venue de tourner le dos aux gagnants de la pandémie?

Régnant sur les Bourses depuis la sortie de la crise financière de 2008, les valeurs technologiques sont à la traîne depuis quelques mois. Aux Etats-Unis, 40% des entreprises du Nasdaq Composite, la Bourse des valeurs de croissance, affichent une perte de plus de 50% depuis leur sommet annuel, selon l’agence Bloomberg.

Régnant sur les Bourses depuis la sortie de la crise financière de 2008, les valeurs technologiques sont à la traîne depuis quelques mois. Aux Etats-Unis, 40% des entreprises du Nasdaq Composite, la Bourse des valeurs de croissance, affichent une perte de plus de 50% depuis leur sommet annuel, selon l’agence Bloomberg. Cette dégringolade n’épargne pas les Gafam (Google/Alphabet, Apple, Meta/Facebook, Amazon et Microsoft). Celles-ci dominent certes toujours le classement des principales capitalisations boursières mondiales mais ne survolent plus les palmarès en termes de performances. La principale explication de ce coup de mou est l’inflation qui a atteint 7% en décembre aux Etats-Unis. Cette envolée des prix pousse les banques centrales à freiner leurs mesures de soutien et à envisager des hausses de taux. Ce qu’a déjà fait la Banque d’Angleterre en décembre avec un relèvement de son principal taux directeur de 0,1% à 0,25%. La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait suivre prochainement. Cette année, elle devrait relever ses taux à quatre reprises en mars, juin, septembre et décembre, selon Jan Hatzius, économiste en chef de Goldman Sachs. Cela commence à se refléter sur les marchés des obligations, le rendement à 10 ans des bons du Trésor américain ayant atteint 1,8% la semaine dernière, au plus haut depuis deux ans. Cette hausse du loyer de l’argent pèse tout particulièrement sur les valeurs technologiques. La valorisation de ces entreprises repose en effet davantage sur la croissance future des résultats et est donc plus sensible au taux d’actualisation. Ce taux basé sur les rendements de référence sur les marchés obligataires permet de déterminer la valeur actuelle de bénéfices futurs. Ce n’est pas le seul élément pesant actuellement sur les actions numériques, le second est une normalisation après la pandémie. Nombre d’entreprises technologiques ont connu un boom durant les confinements, mais toutes ne parviennent pas à concrétiser cet élan en croissance ou en rentabilité durable. Le spécialiste des périphériques informatiques Logitech est un cas emblématique. Au cours de son exercice 2020-2021, couvrant le plus fort de la pandémie, son chiffre d’affaires a décollé de 76% et son bénéfice a plus que triplé. Mais la tendance ralentit rapidement et le groupe suisse table sur une chute d’au moins 30% de ses profits pour l’exercice 2021-2022. Le titre a ainsi sombré ces derniers mois. Tout comme le spécialiste de la télémaintenance TeamViewer, le champion du fitness connecté Peloton, la plateforme de vidéoconférences Zoom ou le leader mondial des box repas HelloFresh. Ce dernier maintient une croissance élevée au niveau des revenus mais voit ses marges fondre depuis l’été dernier. Parmi les Gafam, Amazon s’est fendu d’un important avertissement en octobre. Le géant mondial du cloud computing et de l’e-commerce avait enregistré des résultats record depuis le début de la pandémie avec un profit opérationnel de 7,1 milliards de dollars en moyenne jusqu’au printemps 2021. Mais son bénéfice a chuté à 4,9 milliards au troisième trimestre et Amazon table sur un résultat de 0 à 3 milliards au quatrième. En Bourse, le titre est ainsi logiquement à la traîne avec un rendement de 4% sur un an, contre près de 20% pour les Bourses mondiales (indice MSCI World). Enfin, la correction des valeurs de croissance est amplifiée depuis décembre par un mouvement de vente des hedge funds. Selon les données de Goldman Sachs, ces ventes ont atteint un plus haut en 10 ans au cours de la première semaine de l’année. La correction a ainsi viré à la dégringolade pour les entreprises technologiques qui ne sont pas encore rentables, avec une chute de plus de 30% en deux mois. Mark Freeman, responsable des investissements chez Socorro Asset Management, menace ainsi: “Pour beaucoup de valeurs technologiques, il y a peu d’intérêt de la part des investisseurs classiques, de sorte qu’il ne faut pas une forte pression vendeuse pour faire chuter les cours, ce qui engendre à son tour davantage de ventes par les hedge funds”. Dans cet environnement, les perspectives restent mitigées pour les valeurs de croissance, dont évidemment les Gafam. Par rapport à des sociétés peu ou pas rentables, leur aisance financière amortit évidemment la chute. Apple et Microsoft affichent un bénéfice net de95 et 68 milliards de dollars au cours des 12 derniers mois (dont les résultats sont connus). Mais cela ne les immunise pas. En appliquant la valorisation moyenne des Bourses mondiales (19,5 fois les bénéfices prévus pour 2022) à Apple, on obtient 112 dollars, soit un “potentiel de baisse” de 35%. Pour Microsoft, le risque de chute est de 40% ; pour Alphabet de 21% ; pour Meta/Facebook de 15% ; et pour Amazon, bien moins rentable que ses comparses, de 70%. Autrement dit, les Gafam présentent toujours une importante prime de valorisation, incitant les marchés à la prudence dans un environnement marqué par une double transition (fin de la crise sanitaire, début du relèvement des taux). Au-delà des prochaines semaines, qui s’annoncent plus volatiles, les avis sont toutefois très partagés. Dans la dernière enquête de CNBC auprès des stratégistes, les pronostics pour le niveau de l’indice américain S&P 500 (aujourd’hui dominé par les Gafam) s’étalent de 4.400 à 5.330 points, soit d’une baisse de 7% à une hausse de 12%. Le premier virage pourrait intervenir dans moins de deux mois. Les grands argentiers de la Fed se réunissent les 15 et 16 mars et les marchés s’attendent à ce qu’ils annoncent un premier relèvement de taux. Ils pourraient aussi donner des premières indications sur la stratégie envisagée par la Fed pour réduire la taille de son bilan. Ce dernier a gonflé à 8.788 milliards de dollars après une succession de programmes de rachats de titres depuis la crise de 2008. Les Bourses ayant pour coutume d’anticiper, il n’est pas impossible que les marchés reprennent leurs esprits dès que la hausse des taux sera véritablement sur les rails. Comme on l’a déjà vu entre 2013 et début 2016. Les hésitations de la Fed sur la réduction des rachats de titres et la remontée des taux avaient engendré une série de corrections sur les marchés. Le second élément à surveiller en mars est l’évolution de l’inflation. Aujourd’hui, l’envolée des prix reste amplifiée par une faible base de comparaison. Début 2021, l’inflation était en effet toujours atone en pleine deuxième vague mondiale de la pandémie, la plus meurtrière. Aux Etats-Unis, l’inflation annuelle était ainsi de 1,4% en janvier, mais atteignait 2,6% en mars et 5% en mai. Toutefois, nombre d’économistes s’attendent à une inflation durablement élevée, épinglant surtout la hausse des salaires: le revenu horaire moyen a progressé de 4,7% sur un an en décembre aux Etats-Unis. Cette année, les salaires restent soutenus par une pénurie de main-d’oeuvre dans de nombreux secteurs. Une inflation soutenue et maîtrisée n’est toutefois pas défavorable aux actions et aux valeurs de croissance. Nombre d’entreprises technologiques peuvent en effet adapter leurs prix en conséquence et ainsi maintenir leur croissance et leurs marges bénéficiaires. Pour celles qui n’y parviennent pas, les perspectives sont par contre plus difficiles. Les Gafam n’y échappent pas, à commencer par Amazon qui subit directement la hausse des coûts de la main-d’oeuvre et de l’énergie (transports) mais doit rester extrêmement compétitif au niveau des prix. Globalement, la stratégie de Meta/Facebook axée sur le métavers peine aussi à convaincre quant aux perspectives structurelles du groupe. A l’opposé, Tesla est parvenu à s’immiscer parmi les Gafam au niveau boursier grâce à son succès dans la voiture électrique et numérique, un vieux rêve qu’Apple peine à concrétiser. La pénurie de puces électroniques depuis fin 2019 a aussi rappelé l’importance du secteur des semi-conducteurs qui a peu corrigé ces dernières semaines. L’indice sectoriel PHLX Semiconductor affiche ainsi un gain de 16% en trois mois, contre un léger repli pour l’indice Nasdaq Composite, permettant à des acteurs comme TSMC, Nvidia, Samsung ou ASML de pointer parmi les 30 principales entreprises cotées du monde. Bref, la correction en cours des valeurs technologiques est avant tout l’occasion de faire le tri entre sociétés en croissance structurelle ou ponctuelle, entreprises résistantes à l’inflation ou pas. Y compris parmi les Gafam dont la domination collective sur les Bourses pourrait bien toucher à sa fin.

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