La colère monte au sein de la société: l'heure de la désobéissance civile

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Pendant un an, les Belges ont suivi correctement les règles sanitaires édictées pour combattre l’épidémie de Covid-19. Mais depuis quelques semaines, cette adhésion se délite. Des restaurants annoncent leur réouverture, des spectacles reprennent, des “boums” s’organisent dans les parcs… La société glisse-t-elle vers le chaos?

“Les restaurateurs et d’autres indépendants sont furibards et ils ont raison. Mais nous ne sommes pas encore le 1er mai. D’ici là, la pression peut retomber… ou conduire à un comportement quasi-insurrectionnel.” Le président de l’Union des classes moyennes (UCM), Pierre-Frédéric Nyst, a bien senti la colère monter ces dernières semaines. Il a beau rappeler que ne pas respecter la loi peut, au-delà des éventuelles amendes, faire perdre l’accès au droit passerelle, aux primes régionales et au chômage temporaire pour le personnel, il voit bien que la mobilisation ne faiblit pas. “Le feu couve depuis des mois. Le volcan se prépare, je le crains, à l’éruption”, résume le patron de l’UCM.

“Les restaurateurs et d’autres indépendants sont furibards et ils ont raison. Mais nous ne sommes pas encore le 1er mai. D’ici là, la pression peut retomber… ou conduire à un comportement quasi-insurrectionnel.” Le président de l’Union des classes moyennes (UCM), Pierre-Frédéric Nyst, a bien senti la colère monter ces dernières semaines. Il a beau rappeler que ne pas respecter la loi peut, au-delà des éventuelles amendes, faire perdre l’accès au droit passerelle, aux primes régionales et au chômage temporaire pour le personnel, il voit bien que la mobilisation ne faiblit pas. “Le feu couve depuis des mois. Le volcan se prépare, je le crains, à l’éruption”, résume le patron de l’UCM. Les derniers baromètres de motivation effectués par l’Université de Gand, l’UCLouvain et l’ULB confirment cette baisse de l’adhésion aux mesures: un Belge sur deux ne les suit plus vraiment et 41% pensent que les mesures sanitaires prises en Belgique ne sont pas efficaces. Il s’avère ainsi que les francophones ont en moyenne près de cinq contacts rapprochés et les néerlandophones près de quatre alors qu’officiellement, nous étions censés nous limiter à un seul contact. “La lassitude a commencé à se marquer dès le mois de janvier, analyse Vincent Laborderie, politologue à l’UCLouvain et membre du collectif Covid-rationnel. Mais ce n’est qu’un peu plus tard, que des gens se sont mis à revendiquer de plus en plus ouvertement des comportements que l’on peut rattacher à une forme de désobéissance civile, même si ce n’est pas toujours réfléchi ou argumenté.” Le théâtre KVS a annoncé qu’il reprenait les spectacles, des jeunes se rassemblent dans des parcs et des dizaines de restaurateurs assurent qu’ils ouvriront leurs établissements, à tout le moins leurs terrasses, le 1er mai. Comment la situation a-t-elle pu s’emballer ainsi ces dernières semaines, au point de risquer de voir le pays verser dans le chaos total?>>> Lire aussi: La fronde des acteurs de l’horeca: “Nous rouvrons le 1er mai!”De manière peut-être paradoxale, les premières affirmations réellement publiques de la prise de distance avec les règles sanitaires ont suivi… la réouverture des salons de coiffure en février. C’est à ce moment-là que le président d’Ecolo Jean-Marc Nollet a concédé qu’il ne pouvait “humainement” plus respecter strictement la bulle d’une personne ou que le guitariste Quentin Dujardin a donné son premier concert covid-safe dans une église (voir encadré en bas d’article). “Certaines décisions sont animées d’une forme de psychologie naïve, selon laquelle quand on assouplit un peu les règles, les gens sont plus motivés pour les respecter, analyse Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB et membre du groupe d’experts interuniversitaires Psychologie et Corona. Or, quand on assouplit, on donne aussi pour message que la situation n’est pas si grave et cela peut avoir des effets pervers sur nos comportements. A la limite, il vaut mieux un confinement strict pendant quelques semaines pour communiquer clairement qu’il y a danger. Il n’y a rien de plus démotivant que le yo-yo des assouplissements.” Vincent Laborderie pense, lui, au contraire que les autorités n’ont pas assoupli suffisamment les règles quand la situation sanitaire s’améliorait et qu’ils n’ont dès lors pas permis à la population de jouir d’un véritable espace de liberté avant de reprendre les efforts. “Quand vous déconfinez, au moins vous savez ce qu’il faut refermer en cas de reprise de l’épidémie, dit-il. Ici, il a fallu inventer cette histoire de prise de rendez-vous dans les commerces non-essentiels pour donner l’impression de faire quelque chose. Le gouvernement voulait éviter le yo-yo des ouvertures-fermetures, mais le yo-yo, nous l’avons eu en paroles à défaut de l’avoir en actes. En février, le Premier ministre a quasiment annoncé un plan de déconfinement pour finalement faire presque l’inverse. Cela nourrit la colère d’une partie de la population.”>>> Lire aussi: Pression maximale sur les rebelles du 1er maiVincent Laborderie touche ici au coeur du problème: la population ne peut adhérer aux décisions que si elle accorde un minimum de confiance aux autorités politiques qui prennent ces décisions. Cette confiance, le tout nouveau gouvernement De Croo – et en particulier son ministre de la Santé Frank Vandenbroucke dont le ton professoral tranchait avec les déclarations évasives de sa prédécesseure Maggie De Block – en a bénéficié dans un premier temps. Cela explique peut-être le fait que les appels à braver les interdits aient mis si longtemps à se faire entendre. “En novembre, lors du décès d’Alysson Jadin, la jeune coiffeuse liégeoise, je croyais vraiment qu’un mouvement large allait se mettre en place, se souvient Olivier Klein. Les indépendants et la culture étaient touchés par les mesures, les secteurs pouvaient se coaliser et lancer un mouvement de contestation avec une réelle ampleur. Ce ne fut pas le cas. Ce n’est que maintenant que nous voyons beaucoup plus de manifestations publiques de désobéissance.” A l’époque, la grogne était en outre tempérée par l’imminence de la campagne de vaccination, campagne qui, croyait-on, allait rapidement modifier le cours des choses. “Or, le vaccin a ajouté une couche de complexité à la situation, poursuit le professeur Klein. Oui, il donne de l’espoir mais il a suscité aussi énormément de questions: avons-nous suffisamment de doses? Allons-nous assez vite? Certains vaccins ne sont-ils pas dangereux?” Bref, ce n’était pas la solution miracle que beaucoup attendaient. D’où une désillusion qui a sans doute contribué à attiser le feu qui couvait. Ce feu qui couve, c’est ce que l’Organisation mondiale de la santé appelle “la fatigue pandémique”. Ni les confinements plus ou moins stricts ni le début des campagnes de vaccination n’ont entraîné d’amélioration spectaculaire des chiffres épidémiques et cela peut pousser au découragement. “On ne voit pas toujours de lien très clair entre les mesures mises en oeuvre et les résultats, entre les mesures et l’évolution des courbes d’hospitalisations ou d’admissions en soins intensifs, dit Olivier Klein. C’est très dangereux pour la motivation à suivre les règles.”>>> Lire aussi: Assurances: en période Covid, l’hospitalisation fait toute la différence Quand les progrès ne sont pas à la hauteur des attentes et que les citoyens se plient de moins en moins volontiers aux règles, ne faut-il pas changer de stratégie? C’est ce que pensent trois experts réputés (Nathan Clumeck, professeur en maladies infectieuses, ULB ; Marius Gilbert, chercheur en épidémiologie, ULB ; Leila Belkhir, infectiologue aux cliniques universitaires Saint-Luc) qui ont publié une carte blanche dans Le Soir invitant à abandonner l’approche sectorielle au profit d’une approche individualisée d’ouverture de lieux covid-safe, en suivant une série de balises et de recommandations. Une manière de placer chacun devant ses responsabilités, ce qui, selon Olivier Klein, est a priori de nature à renforcer l’adhésion aux mesures. La suggestion a été unanimement saluée par le monde politique francophone et l’on s’attendait donc à voir surgir du dernier comité de concertation bien autre chose qu’un report de la réouverture des restaurants, initialement annoncée pour le 1er mai. “C’est un rendez-vous manqué, regrette Pierre-Frédéric Nyst. Tous les clignotants étaient pourtant allumés, y compris celui de la légalité des mesures (le tribunal de première instance de Bruxelles, saisi par la Ligue des droits humains, enjoint l’Etat à mettre un terme à “l’illégalité apparente” des mesures Covid. Cette décision est maintenant dans les mains de la cour d’appel, Ndlr). Mais non, le comité de concertation est resté sourd aux cris de détresse. Les établissements horeca avaient pourtant répondu à toutes les exigences sanitaires, ils avaient investi dans des panneaux en plexi ; lors de la réouverture cet été, ils avaient noté consciencieusement les coordonnées de leurs clients, coordonnées qu’ils n’ont pourtant jamais dû transmettre à quiconque. Alors, on peut comprendre qu’ils commencent à la trouver saumâtre. Même si nous ne les cautionnons pas, nous comprenons les réactions de rebellion.” Le patron de l’UCM précise que ces appels à la désobéissance civile ne semblent pas s’étendre au-delà du secteur de l’horeca. “Beaucoup d’entreprises renâclent face à l’obligation d’encoder les noms des collaborateurs qui ne peuvent pas rester en télétravail mais, jusqu’à présent, elles jouent le jeu”, dit-il. Le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke conteste ce procès en surdité. “Nous entendons évidemment les appels de la population, nous précise-t-on. Avec de tels chiffres épidémiologiques, nous n’aurions jamais décidé de mesures d’assouplissement il y a quelques mois. Nous essayons de trouver un équilibre entre les chiffres de l’épidémie, l’occupation des lits en soins intensifs et le besoin d’oxygène dans la population.” >>> Lire aussi: À la veille du Codeco, la culture prépare la rébellionLa recherche d’un tel équilibre est parfaitement légitime. Mais vu de l’extérieur, ce n’est pas vraiment ce que l’on perçoit des réunions du comité de concertation. “On a parfois l’impression que les choix sont autant déterminés par le pouvoir respectif des différents groupes de pression et leur capacité à relayer leurs messages auprès de tel parti ou de tel ministre que par des considérations de santé”, concède Olivier Klein. Ces positionnements politiques, qui ont été les plus marqués dans le chef du MR, ne favorisent pas évidemment pas l’adhésion aux mesures et l’implication au sein de cette “équipe de 11 millions de Belges”. Comme pour ajouter de la confusion à la confusion, plusieurs bourgmestres, et non des moindres (Paul Magnette et Willy Demeyer, PS), ont fait savoir que les effectifs de police ne leur permettaient pas de réprimer une éventuelle ouverture massive des restaurants le 1er mai. “Des bourgmestres de grandes villes qui disent ouvertement que la loi ne sera pas respectée, je n’ai vu cela dans aucun pays européen, s’étonne Vincent Laborderie. Il y a eu une tension en Espagne pour certaines dispositions et le pouvoir central a réagi en déléguant largement les choses aux entités locales. Ici, c’est l’inverse, c’est presque comme si le fédéralisme avait été mis entre parenthèses.” Le politologue conclut en citant La Boétie et son discours de “la servitude volontaire”: le jour où le peuple n’accepte plus sa soumission, il peut retrouver sa liberté. “Nous en sommes exactement là, dit Vincent Laborderie. Cette crise va marquer profondément la société belge dans ses relations avec le pouvoir politique.”

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