Footballgate: des sponsors contrariés

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Une marque a-t-elle intérêt à être le sponsor “maillot” d’une équipe de football dont le président est cité dans un vaste scandale? Même si la présomption d’innocence demeure pour les 57 personnes citées dans le “Footballgate”, les marques partenaires doivent aujourd’hui composer avec une nouvelle réalité. Enquête dans le milieu agité du sponsoring footballistique.

La plupart des marques sont mal à l’aise. Très mal à l’aise. Dans le Footballgate qui secoue aujourd’hui le monde du ballon rond, rares sont les entreprises – ou du moins leur porte-parole – qui osent s’exprimer publiquement. Certes, en ces temps de suspicion de fraudes, on peut aisément comprendre que les sponsors “maillot” des équipes de Pro League rechignent à commenter leur partenariat ainsi secoué, mais cette “loi du silence” ne fait, à vrai dire, que plomber davantage l’ambiance.

La plupart des marques sont mal à l’aise. Très mal à l’aise. Dans le Footballgate qui secoue aujourd’hui le monde du ballon rond, rares sont les entreprises – ou du moins leur porte-parole – qui osent s’exprimer publiquement. Certes, en ces temps de suspicion de fraudes, on peut aisément comprendre que les sponsors “maillot” des équipes de Pro League rechignent à commenter leur partenariat ainsi secoué, mais cette “loi du silence” ne fait, à vrai dire, que plomber davantage l’ambiance. Tant du côté de Jupiler (dont le nom est directement associé au championnat belge de football) que de la banque ING (qui s’affiche sur les vareuses des arbitres), en passant par Voo (gros sponsor du Standard) ou encore Belfius (dont la marque DVV s’étale sur les maillots d’Anderlecht), la même réponse résonne aux demandes d’interview: “no comment!”. Embarrassés, les attachés de presse se justifient en rappelant qu’une enquête officielle est en cours et qu’elle impose dès lors “une certaine réserve”, d’autant plus que “la confidentialité d’un contrat de sponsoring se doit, par définition, d’être respecté”, résume l’un d’entre eux. D’autres interlocuteurs, moins réfractaires, osent parfois un commentaire de manière succincte et par écrit: “Comme tout le monde, nous sommes au courant de la situation actuelle du football belge et nous sommes convaincus que la justice belge enquêtera correctement, explique ainsi Cyril Guilloret, directeur data, digital & growth marketing chez Beobank. Nous regrettons évidemment cette situation mais, de manière générale, nous avons toujours été satisfaits de notre collaboration avec le KRC Genk. A ce stade, nous ne voyons pas la nécessité de revoir notre partenariat.” La question est pourtant bien là: les entreprises et les marques ont-elles encore intérêt à sponsoriser les équipes de Pro League dans ce contexte sulfureux du Footballgate ? Comment gèrent-elles l’éventuel risque “réputationnel” alors que 57 personnes (présidents de club, entraîneurs, joueurs, agents, arbitres, etc.) sont aujourd’hui épinglées par la justice? Qu’est-ce qui les motive à rester dans ce milieu que d’aucuns qualifient de “pourri” alors que le scandale grandit et que d’autres maux (la violence, le racisme, l’homophobie) ne cessent de ternir l’image de ce sport éminemment populaire? D’une manière générale, les marques semblent donc mal à l’aise pour s’aventurer sur ce terrain glissant, mais deux patrons ont malgré tout accepté de répondre à nos questions “embarrassantes”: Jannie Haek, CEO de la Loterie nationale (dont la marque Lotto accompagne l’Union Saint-Gilloise en tête du classement), et Dennis Marien, directeur général d’Unibet Belgique, la société de paris sportifs qui s’affiche sur les maillots du Club de Bruges et du Sporting de Charleroi (lire leurs interviews ci-dessous). Leurs propos doivent évidemment être replacés dans un contexte de crise multiple qui a mis, ces dernières années, de nombreux clubs belges sous pression, entre pandémie, pertes financières et soupçons de malversations. A un niveau plus large, l’Union des associations européennes de football (UEFA) a ainsi calculé que le Covid-19 a déjà coûté 7 milliards d’euros aux clubs européens (4 milliards pour la saison 2019-2020 et 3 milliards pour 2020-2021), après 20 années de croissance ininterrompue. Juste derrière les revenus de billetterie qui sont en net recul en raison des stades vides (4,4 milliards en moins pour les deux saisons), les activités commerciales et de sponsoring ont, elles aussi, fortement souffert de la crise sanitaire avec une baisse de 1,7 milliard de recettes. En Belgique, la pandémie n’a évidemment rien arrangé à la situation des clubs professionnels dont les finances étaient déjà bien dans la rouge pour la majorité d’entre eux. Sur les 25 équipes de Pro League (divisions 1a et 1b) répertoriées pour l’exercice 2020-2021, seuls six d’entre elles dégagent un bénéfice (Bruges, Charleroi, Courtrai, Malines, Mouscron et Waregem), tandis que les 19 autres sont en déficit avec, tout en bas du classement, Anderlecht et ses 29 millions de pertes pour cette saison. En fâcheuse posture financière, la plupart des clubs de Pro League ont reçu un nouveau coup sur la tête il y a quelques semaines avec la demande du parquet fédéral d’envoyer 57 personnes devant le tribunal correctionnel d’Anvers. Parmi ces différents acteurs du monde du football, on trouve plusieurs grands noms comme Bruno Venanzi, président du Standard de Liège ; Mehdi Bayat, administrateur délégué du Sporting de Charleroi ; Bart Verhaeghe, président du Club de Bruges ; Herman Van Holsbeeck, l’ancien manager du Sporting d’Anderlecht ou encore Mogi Bayat, le plus puissant des agents de joueurs belges. Il y a aussi des arbitres, des joueurs et des entraîneurs. Les faits qui leur sont reprochés varient entre faux en écriture, usage de faux, pots-de-vin, matchs truqués et blanchiment d’argent. Bien sûr, tous bénéficient de la présomption d’innocence et ces 57 personnes ne seront probablement pas jugées avant 2023, voire 2024, mais l’annonce a fait l’effet d’une bombe dans le monde du ballon rond, tant au niveau des clubs que des marques qui sponsorisent les équipes. Car désormais, la suspicion s’installe dans un championnat de football où les dés sont peut-être pipés… Ce soudain déficit d’image a-t-il pour autant modifié les rapports entre les clubs et leurs sponsors, présents ou à venir? “Pour le moment, il n’y a aucune frilosité dans le chef des marques, répond d’emblée Walter Chardon, directeur commercial du Sporting de Charleroi. Bien au contraire! Nous n’avons jamais eu autant de demandes de partenariat et de business seats depuis 2012. Charleroi a acquis l’image d’un club stable sur le plan financier et sportif, mais aussi l’image d’un club dynamique en termes de B to B. Nous manquons actuellement de place pour accueillir de nouveaux partenaires et nous sommes donc en train de réfléchir à l’aménagement d’une tribune VIP supplémentaire.” Même son de cloche au Standard où l’on affirme que les derniers développements du Footballgate n’ont pas changé la donne avec l’opérateur Voo présent sur le maillot des “Rouches”, ni avec d’autres sponsors plus discrets. “A notre niveau, aucun partenaire n’a émis la moindre réserve ni la moindre critique, explique Benjamin Mignot, directeur commercial du Standard. Bien sûr, on ne peut jamais exclure un effet négatif à moyen terme, mais il faut d’abord rappeler que dans ce dossier, la présomption d’innocence prévaut. Au Standard, il y a une très forte fidélisation dans les relations entre le club et ses partenaires et chacun agit dans le respect de l’autre. Lorsque Voo s’est retrouvé sous les feux des médias avec l’affaire Nethys, le Standard ne s’en est jamais mêlé. C’est ce qu’on attend d’un partenaire.” Les sponsors seraient-ils donc à ce point hermétiques au scandale ambiant? “Les marques n’ont aucun intérêt à partir tant qu’il n’y a pas de jugement et que les audiences restent fortes, analyse le consultant Pierre Maes, auteur du livre Le business des droits TV du foot. On peut évidemment se poser la question d’un point de vue éthique ou moral sur l’opportunité de maintenir un partenariat, mais il faut aussi faire attention à l’effet boomerang. Si demain Voo décidait de quitter le Standard, il pourrait être vu comme un lâcheur et, pour la marque, ça pourrait être pis que mieux. Tant qu’il n’y a pas de condamnation ni de preuve, un sponsor risque davantage en sortant qu’en restant. En revanche, quand les faits sont avérés, il vaut mieux réagir.” Et Pierre Maes de citer cette récente affaire de chat maltraité par le joueur français Kurt Zouma dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Après la diffusion de ces images choquantes et le bad buzz qui s’en est suivi, la marque Adidas a, dans ce cas précis, rompu son contrat d’équipementier avec le défenseur de West Ham. Le sponsor ne tenait évidemment plus à être associé à ce partenaire indigne de ses valeurs, tout comme Nike qui, il y a quelques années, a également lâché le champion cycliste Lance Armstrong après ses aveux de dopage. Sociologue du sport à l’ULB, Jean-Michel De Waele insiste justement sur le rôle moral que les marques peuvent jouer dans leur partenariat avec les sportifs et donc sur la mission qu’elles pourraient davantage tenir ici, dans le contexte du “Footballgate”. “Je pense que les sponsors vont rester présents sur le terrain parce que le football est le sport roi et que les audiences restent remarquables, note le professeur d’université. Néanmoins, les marques devraient être davantage prudentes parce que le monde et les consommateurs changent. Elles ont donc plutôt avantage à faire pression pour qu’il y ait des réformes dans ce milieu au niveau de la gestion, des contrôles et de la formation. Elles devraient investir avec des exigences, des valeurs et des contreparties, et soutenir peut-être davantage les jeunes ou le football amateur.” Certaines entreprises ont pourtant décidé de quitter l’aventure footballistique en Pro League, à l’instar de BNP Paribas Fortis. Après plus de 30 ans de soutien du Sporting d’Anderlecht, l’ex-Générale de Banque a annoncé la fin de son partenariat avec les Mauves au printemps 2020 (un budget d’environ 3 millions d’euros annuels, selon nos informations). Certes, la nouvelle entité bancaire a fait du tennis son sport de prédilection en matière de sponsoring mais en coulisses, on chuchote que les premières perquisitions liées au Footballgate en octobre 2018 ne seraient pas étrangères au choix de BNP Paribas Fortis de quitter définitivement ce sport où le blanchiment d’argent fait un peu tache dans les règles de bonne gouvernance. L’ancien sponsor d’Anderlecht pourrait-il être imité par d’autres dans les tout prochains mois? “Avec les développements de l’affaire, il n’est pas exclu de voir d’autres marques quitter la Pro League, conclut Michel Lecomte, ancien directeur des sports de la RTBF et observateur avisé du monde de football. Car il y aura de toute évidence un lien direct entre l’envie des sponsors d’investir dans ce sport et l’image du foot qui évoluera ou non vers quelque chose de plus propre. Mais je sais la force du foot et les tempêtes par lesquelles il est déjà passé. Il en faudra donc beaucoup aux marques pour s’en désintéresser, à l’instar de ce qu’il s’est passé dans le cyclisme avec les affaires de dopage: les sponsors sont toujours là car les audiences restent performantes. Et comme le football reste le sport le plus populaire…”

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