Par Sophie Slits, senior estate planner à la Banque Nagelmackers
Un passionné pour un peintre belge a acquis une belle collection de son œuvre. Mais ses enfants ne partagent cependant pas cette passion. De plus, sa collection n’irait pas avec leur intérieur contemporain. Les enfants peuvent-ils alors payer les droits de succession dus sur son patrimoine au moyen de ces œuvres d’art.
Ou, inversement, les enfants ont des œuvres d’art qu’ils ne peuvent plus mettre dans leur nouvelle maison et leurs propres enfants n’ont aucun intérêt pour cette collection. Peuvent-ils payer les droits de succession dus sur le patrimoine de leurs parents au moyen de leurs propres œuvres d’art?
Qui, quoi, comment ?
Chaque héritier, légataire ou bénéficiaire peut demander d’acquitter tout ou une partie des droits de succession au moyen d’œuvres d’art. Le Ministre des Finances doit reconnaître l’œuvre d’art, sur avis conforme d’une commission spéciale, comme appartenant au patrimoine culturel mobilier du pays ou comme ayant une renommée internationale.
De plus, pour pouvoir être proposées en paiement, les œuvres d’art doivent dépendre de la succession ou, au jour du décès, appartenir au défunt et/ou à son conjoint survivant ou aux héritiers, légataires ou bénéficiaires.
Ce mode de paiement alternatif (appelé juridiquement dation en paiement) est cependant assorti de plusieurs conditions. Parmi celles-ci, il y a l’acceptation de la proposition des héritiers par une commission spéciale qui se prononce sur la nature des œuvres et sur leur valeur.
Les œuvres d’art doivent être proposées à la valeur qui a été fixée lors d’une expertise préalable. Si l’œuvre d’art fait partie de la succession, il sera en outre tenu compte de cette valeur pour la perception des droits de succession.
Une procédure lourde
La procédure de dation en paiement est néanmoins très lourde à suivre. En effet, les demandeurs ont quatre mois à partir du décès pour préparer et introduire cette demande.
L’administration et une commission spéciale analysent alors le dossier. Les frais d’expertises restent à la charge du contribuable tant que la dation n’est pas finalisée. Les œuvres d’art doivent ensuite être transférées à un ou plusieurs musée(s) désigné(s) par l’Etat.
Jusqu’à la remise des œuvres d’art, les risques incombent au demandeur.
Quelques réflexions
Le paiement de droits de succession au moyen d’œuvres d’art permet à notre pays de conserver et préserver de magnifiques œuvres d’art. Pour enrichir culturellement nos musées, il conviendrait cependant d’alléger la procédure de dation en paiement. Jusqu’à présent, celle-ci n’a encore été que rarement utilisée. Ainsi la région de Bruxelles-Capitale a accepté́ le paiement de droits de succession par le biais d’une collection d’Art Nouveau appartenant aux héritiers de feu M. Gillion.
En plus de simplifier le système, il conviendrait que ce moyen de paiement soit mieux connu du grand public. Etant pratiquement inconnu, il est une occasion manquée de conserver notre riche patrimoine culturel dans notre propre pays et de le rendre accessible à tous.