En quelques années, le Chant d’Eole est devenu l’un des vignobles belges les plus qualitatifs et dynamiques. Mariée à son propriétaire, Hubert Ewbank de Wespin, Anne-Sophie Charle lance son propre projet en parallèle: Maison Eole ou la première marque belge de cosmétiques issue de la vigne. Un pari audacieux pour une gamme étendue et élégante qui a bénéficié, sur un plan artistique, du talent de Charles Kaisin.
A examiner la carrière d’Anne-Sophie Charle, rien ne laissait supposer un tel virage professionnel. Après des études en sciences politiques à l’UCL, elle rejoint la Ville de Mons au plus fort des années Di Rupo. D’abord comme porte-parole puis comme cheffe de cabinet du bourgmestre pendant quasi neuf années. Elle devient ensuite secrétaire générale de la Fondation Mons 2015 qui pilote le projet de Capitale européenne de la culture et présidente de la Télévision Mons Borinage. Difficile de l’imaginer comme patronne d’une boîte de cosmétiques.
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A examiner la carrière d’Anne-Sophie Charle, rien ne laissait supposer un tel virage professionnel. Après des études en sciences politiques à l’UCL, elle rejoint la Ville de Mons au plus fort des années Di Rupo. D’abord comme porte-parole puis comme cheffe de cabinet du bourgmestre pendant quasi neuf années. Elle devient ensuite secrétaire générale de la Fondation Mons 2015 qui pilote le projet de Capitale européenne de la culture et présidente de la Télévision Mons Borinage. Difficile de l’imaginer comme patronne d’une boîte de cosmétiques. “Je rêve de faire cela depuis que je suis liée au Chant d’Eole, raconte-t-elle. J’ai toujours été fascinée par ce que Mathilde Thomas a fait avec Caudalie ( la marque de cosmétiques française liée au Château Smith-Haut Laffite, grand cru classé bordelais, Ndlr). J’avais tout pour le faire mais j’étais persuadée que ce n’était pas mon métier et j’avais remisé mes rêves dans une boîte. Au printemps 2018, j’ai quitté la Fondation Mons 2015. J’avais 42 ans et devais penser à une deuxième vie professionnelle. Un poste de directeur général adjoint s’est ouvert à la Ville de Mons. Vu mon passé et ma connaissance des dossiers, le costume était taillé pour moi. J’ai passé les examens et j’ai été engagée. Grave erreur: je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. C’est un job sédentaire alors que je ne l’ai jamais été. J’ai connu les belles années d’Elio à Mons et ai vécu 15 ans à du 200 à l’heure. En plein confinement, je me suis alors dit que j’allais les faire, mes cosmétiques. En septembre 2020, j’ai demandé un congé de deux ans pour convenance personnelle, et porté la société Comanso sur les fonts baptismaux peu après .” Si derrière un homme qui réussit il y a toujours une femme, l’inverse est aussi vrai. Encouragée par son mari, Anne-Sophie Charle est donc sortie de sa zone de confort pour passer de son statut de haut fonctionnaire à celui d’indépendante en société. Une solide prise de risques. “J’ai quand même consulté des proches. Comme Caroline Decamps, la directrice générale d’IDEA ( l’intercommunale de développement économique et d’aménagement du coeur du Hainaut, Ndlr) ou Pierre-Pascal Hecq, le patron d’Universal Pharma, ami de ma maman pharmacienne. Ils m’ont dit de foncer tout en pointant le doigt sur certaines embûches à éviter. Une bonne année plus tard, je ne regrette rien. C’était le bon moment. J’ai un énorme réseau et la notoriété qui font que les banques ont tendance à vous faire confiance. J’ai la maturité nécessaire pour mener ce projet à bien. Je n’aurais jamais pu faire cela à 25 ans. Les 15 années à la Ville et à la Fondation m’ont appris à gérer le stress, à franchir des montagnes, à faire et défaire, etc. J’ai traversé cette année sans jamais avoir eu le sentiment de perdre le contrôle.” En 15 mois, Anne-Sophie Charle aura réussi la gageure de mettre sur pied une gamme de 15 produits destinée aux hommes et aux femmes: crème de jour, crèmede nuit, démaquillant, soin nourrissant après-rasage, sérum yeux antirides, etc. Ainsi qu’une bougie et des produits mixtes comme le parfum ou le gel douche. Un ensemble des produits décliné par la même fragrance. “Je la dois à Charles Kaisin, qui est allé la chercher dans le sud de la France, confie Anne-Sophie Charle. Notre rencontre, chez des amis communs, fut le fruit du hasard même si je suis depuis longtemps fan de son travail. Comme il propose déjà des objets pour décorer une table, j’ai aussi eu l’idée de lui demander de réfléchir au flaconnage des produits. Ce nouveau défi l’a attiré. A une condition: il voulait la direction artistique de toute la gamme pour mettre aussi sa patte, et garantir une continuité logique, sur la charte graphique, le logo, les couleurs, etc. Cela a tout de suite matché entre nous.” Le designer belge, qui collabore avec des marques comme Hermès, Cartier ou Rolls-Royce, a donc conçu l’univers graphique de Maison Eole et dessiné les petites boîtes en bois qui contiennent les cosmétiques. “L’écoresponsabilité est une valeur qui me tient à coeur, poursuit Anne-Sophie Charle. L’idée est de consommer des cosmétiques d’une autre manière. Pas de carton ni de plastique avec moi. Mais de petites boîtes en bois que le client peut réutiliser dans la vie quotidienne à d’autres fins. Le vert des flacons est la même que celui de la bouteille de Chant d’Eole. J’y tenais pour la filiation. Aujourd’hui, les gens vont se rendre compte que le logo de Maison Eole, des petits cubes comme des glaçons, se décline, mais dans une autre couleur, sur la bouteille d’Eole Belgian Spritz, le produit lancé par mon mari cet été. Hubert a adoré le travail de Charles pour les cosmétiques et lui a demandé de collaborer. Nous n’avons rien dit car l’exclusivité de sa collaboration avec nous était réservée aux cosmétiques. A terme, il est probable qu’il travaille sur les étiquettes du Chant d’Eole.” Anne-Sophie Charle souhaitait être la première à lancer une marque belge de cosmétiques issus des produits de la vigne, mettre en valeur la belgitude des produits et établir un projet de R&D pour ne pas faire ce que d’autres faisaient déjà. Quinze mois après, si l’on excepte les boîtes en bois et les flacons, la mission est accomplie. Tout est belge de A à Z. C’est peu connu du grand public mais la Belgique, et la Wallonie en particulier, dispose de toutes les compétences nécessaires à l’élaboration et la production de cosmétiques. La formulation des produits de Maison Eole a été réalisée par Copaïba, entreprise spadoise spécialisée dans les produits naturels, qui se charge aussi de la production. L’entreprise de travail adapté Les Ateliers de Tertre s’occupe du conditionnement et de l’étiquetage. Tradyglass à Soignies gère la sérigraphie. Une artisane de Thuin produit les lingettes destinées au démaquillage. Et ce n’est pas tout… “La Maison de l’Entreprise à Mons m’a beaucoup aidée au début, explique Anne-Sophie Charle. Elle m’a mise en contact avec deux centres de recherche wallons spécialisés. Le Celabor à Herve et le CeREF, le pôle biotechnologique de la HELHa (Haute Ecole Louvain en Hainaut, Ndlr) où deux femmes docteurs en chimie sont spécialisées dans l’analyse du tanin végétal à des fins cosmétiques. L’une des deux a même fait sa thèse de doctorat sur le resvératrol, le polyphénol qui a fait le succès de Caudalie! Les deux labos ont trouvé un principe actif dans les sarments qui n’a pas encore été utilisé dans les cosmétiques. Il s’agit d’un polyphénol à trois cycles que j’ai appelé Wine Extracts3. C’est un ingrédient exclusif à Maison Eole. Son effet antioxydant est 10 fois plus puissant que le resvératrol. Les recherches continuent car mon but est de pouvoir déposer un brevet. Il y a une autre molécule très présente dans les sarments que nous n’avons pas encore identifiée. Elle me chipote! ( rires)” Au domaine du Chant d’Eole, Anne-Sophie Charle récupère les sarments de la vigne, la craie très présente dans le terroir qui pourrait intervenir dans une gamme pour bébé, les lies des cuves de fermentation ainsi que les lies de dégorgement des bouteilles, toutes deux riches en levures et autres composés chimiques et minéraux qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets et, enfin, les sels tartriques. Ces cristaux, qui se déposent sur les cuves, sont issus de la salification de l’acide tartrique naturellement présent dans le raisin. Maison Eole les utilise dans les produits de gommage. Sans oublier les pépins de raisin pour faire de l’huile riche en polyphénols et très hydratante. A l’arrivée, et c’était un objectif, les produits Maison Eole sont véganes et naturels. Ils disposent d’ailleurs du label Natural Certified. Pour le lancement, chaque produit a été réalisé à 2.000 exemplaires. La vente commence ce 4 décembre sur l’e-shop de la marque mais aussi dans les pharmacies. Certains produits seront aussi disponibles chez les cavistes (la filiation encore…) et dans certains magasins de déco pour la bougie et le parfum. Les points de vente seront indiqués sur le site www.maisoneole.com. Les prix sont dans une bonne moyenne. Jusqu’à aujourd’hui, l’ensemble des investissements, propriété intellectuelle des formules comprise, s’est élevé à 500.000 euros. Financé par une mise de départ privée, des prêts bancaires et un soutien de l’Invest Mons- Borinage-Centre (IMBC). Anne-Sophie Charle a mis au point un plan financier dont le premier horizon est à cinq ans. “Je suis ambitieuse, je suis devenue entrepreneur pour contribuer à l’essor économique wallon. Je veux réussir le lancement en Wallonie avant de penser au printemps prochain à la Flandre puis à d’autres marchés. Comme les Etats-Unis où j’ai déjà un agent. Mais chaque chose en son temps. Il faut être prudent au début car avec les cosmétiques, certes, on peut vite gagner de l’argent mais il faut constamment investir tant en recherche qu’en marketing vu la concurrence énorme. A ce jour, nous sommes deux sur le payroll. Je vais engager un délégué pharmaceutique pour la Wallonie au 1er janvier. Ensuite, nous verrons le comportement de la marque. Ce qui marche ou pas, histoire de procéder à des ajustements avant d’ouvrir un autre marché. Jusqu’ici, j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Des consultants que j’ai rémunérés à la mission. Des personnes très compétentes rencontrées parfois par hasard. Comme Laetitia Mespouille, docteur en chimie, ancienne prof à l’UMons qui vient de créer une entreprise de vulgarisation des sciences notamment en direction des enfants. Elle a écrit mes fiches produits ou les articles présents sur le site. Ou comme Christina Mazza, une Montoise qui a fait une carrière incroyable dans les cosmétiques, notamment comme directrice chez Marionnaud en France. Elle s’est chargée du marketing opérationnel et du lancement des produits.” Maison Eole, une marque lancée par une femme entourée très majoritairement de femmes. Une démarche logique pour celle qui vient de cofonder la société coopérative qui structure les Dames de la Réunion, un cercle d’affaires montois qui célèbre les femmes en action.