Entreprenariat féminin: “Quand tu seras grande, tu seras CEO!”

LA FIDUCIAIRE

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Si les femmes belges sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, elles restent toutefois deux fois moins nombreuses que les hommes à franchir le pas. Qu’est-ce qui les motive ou, a contrario, les freine? Comment accélérer le mouvement? Décryptage en compagnie de profils inspirants.

Bonne nouvelle: les femmes sont de plus en plus nombreuses à lancer leur entreprise. Selon l’Inasti, on comptait en 2020 quelque 148.000 femmes indépendantes en Wallonie et à Bruxelles, et respectivement 11,93% et 12,90% de plus qu’il y a cinq ans. Mauvaise nouvelle: on reste encore loin de la parité. Seul un tiers des entrepreneurs belges sont des femmes. “Les choses bougent, mais encore trop timidement”, résume Claire Munck, CEO de BeAngels, qui observe cette lente évolution via son institution. “Nous avons mis en place depuis plusieurs années un tas d’actions pour que cela se produise. Dont l’instauration, en 2012, d’un Women Business Angels, qui avait pour but de recruter plus de femmes investisseurs et d’inciter plus d’entrepreneuses à venir vers nous. On vise également la parité en termes de représentation hommes-femmes parmi nos investisseurs, on travaille avec des structures d’accompagnement d’entrepreneuses, on participe à différents colloques qui abordent l’entrepreneuriat au féminin… Tout cela porte ses fruits: aujourd’hui, de plus en plus de femmes entrepreneurs viennent nous soumettre leur projet et un quart des projets soutenus par nos membres sont portés par des femmes. Les lignes bougent donc, mais il reste du chemin à parcourir!”

Bonne nouvelle: les femmes sont de plus en plus nombreuses à lancer leur entreprise. Selon l’Inasti, on comptait en 2020 quelque 148.000 femmes indépendantes en Wallonie et à Bruxelles, et respectivement 11,93% et 12,90% de plus qu’il y a cinq ans. Mauvaise nouvelle: on reste encore loin de la parité. Seul un tiers des entrepreneurs belges sont des femmes. “Les choses bougent, mais encore trop timidement”, résume Claire Munck, CEO de BeAngels, qui observe cette lente évolution via son institution. “Nous avons mis en place depuis plusieurs années un tas d’actions pour que cela se produise. Dont l’instauration, en 2012, d’un Women Business Angels, qui avait pour but de recruter plus de femmes investisseurs et d’inciter plus d’entrepreneuses à venir vers nous. On vise également la parité en termes de représentation hommes-femmes parmi nos investisseurs, on travaille avec des structures d’accompagnement d’entrepreneuses, on participe à différents colloques qui abordent l’entrepreneuriat au féminin… Tout cela porte ses fruits: aujourd’hui, de plus en plus de femmes entrepreneurs viennent nous soumettre leur projet et un quart des projets soutenus par nos membres sont portés par des femmes. Les lignes bougent donc, mais il reste du chemin à parcourir!” Les motivations pour se lancer dans l’entrepreneuriat sont multiples: besoin de se réaliser professionnellement, de mettre son énergie et ses valeurs au bon endroit, de créer son propre emploi, d’être plus autonome… Hélas, les freins le sont tout autant. “Il existe beaucoup de barrières, parfois inconscientes”, déplore Isabelle Truc, fondatrice et CEO de Iota Production, que l’on retrouve entre autres derrière le film Nos Batailles, le documentaire Mon nom est clitoris et, plus récemment, Casser les codes, de Safia Kessas, qui s’intéresse aux femmes dans le monde de la tech. Parmi ces barrières, il y a la crainte de se lancer, de s’endetter, de ne pas être à la hauteur… “Les femmes baignent dans la peur du risque et souffrent du syndrome de l’imposteur”, résume Véronique Lefrancq, députée cdH au Parlement bruxellois, et organisatrice en octobre dernier d’un colloque dédié à l’entrepreneuriat féminin. Emmanuelle Adam, fondatrice et CEO des sacs Lilu, confirme: “Je vois pas mal d’amies intelligentes et compétentes, qui occupent des positions clés en entreprise et qui se posent sans cesse des questions sur leurs capacités. Un sentiment que je retrouve chez très peu d’hommes.” Dominique Marinus, qui a lancé sa société de cosmétiques naturels, Marinette Beauty, à 51 ans, enchaîne: “Quand, après une longue carrière de salariée dans de grosses entreprises, j’ai décidé de changer de voie, certains me l’ont déconseillé: une femme seule à mon âge, je devais être folle! Je ne les ai heureusement pas écoutés! En fait, si on croit en soi, en son projet, je ne vois pas de raison – et certainement pas le fait d’être une femme – pour ne pas essayer. Je peux comprendre qu’on hésite pour des raisons financières. Sauf qu’à côté des systèmes de financement classiques, qui exigent une part de fonds propres, il existe aujourd’hui des tas de structures qui aident l’entrepreneuriat et de nouvelles formes de financement ; les risques sont moindres que par le passé.” Sophie Helsmoortel, fondatrice et CEO de Cachemire Coton Soie et présidente du Brussels Exclusive Labels, abonde: “Les pires freins sont ceux que l’on se met soi-même. Je me suis lancée dans un métier qui n’était pas forcément le mien, il y a 30 ans, à une époque où ce n’était pas la tendance. Je suis allée à contresens de tout ce qu’on attendait de moi, mais j’ai suivi mon intuition et ma croyance dans mon projet et j’aurais déplacé des montagnes pour y arriver”. Et de tempérer: “Il ne faut pas non plus se lancer sur un coup de tête, dans la précipitation, avec un projet qui, au final manque de sens et montrera vite ses failles”. L’entrepreneuriat est un long chemin semé d’obstacles. “Une entreprise, cela se construit sur plusieurs années, poursuit Sophie Helsmoortel. Et on ne gravit pas une montagne sans trébucher.” Chez certaines, alors que l’envie et le projet existent, cela coince à divers stades et pour de multiples raisons. Plusieurs de nos intervenantes pointent ainsi la méconnaissance du monde des affaires. “Il est plus facile de se lancer quand on a des notions de droit, de finance, de structure d’entreprise, de gestion, de négociation…”, souligne Emna Everard, fondatrice et CEO de Kazidomi, consciente de l’atout que représente son master en business engineering à Solvay. “Beaucoup de femmes se révèlent douées en marketing et en communication, ce qui est important, mais ne suffit pas: ces études ne forment hélas pas à l’entrepreneuriat”. Claire Munck: “Chez BeAngels, on rencontre des femmes qui ont un projet, connaissent leur produit, leur marché, mais qui manquent parfois d’informations sur les sources de financement, de maîtrise d’un langage plus financier. Même si cela change au fil des ans, les femmes ont encore moins d’affinités avec cette matière que les hommes. Elles ont parfois plus de mal à articuler leur potentiel de croissance ou à voir ce qui fera la différence pour les investisseurs. Or, quand on veut lever des fonds, il faut maîtriser les aspects financiers. On peut avoir quelqu’un à une fonction de CFO, mais en tant que CEO, il faut connaître les tenants et aboutissants financiers.” Un obstacle de taille, renforcé par un machisme ambiant toujours bien ancré dans le monde de la finance. Selon la plateforme wib.brussels, les femmes connaissent des taux de refus de crédits plus importants que les hommes. Et le phénomène ne concerne pas seulement celles qui se lancent, celles qui sont implantées doivent l’affronter constamment. Isabelle Truc: “Les rapports avec les banques sont parfois problématiques. Même quand on gère sa boîte depuis plusieurs années et qu’on a fait ses preuves, on fait encore face à des comportements peu respectueux, dénigrants, voire agressifs… On m’a aussi déjà sorti que j’avais une vision ‘romantique’ de la finance ; je ne pense pas qu’on parle comme ça aux hommes! En outre, les hommes entre eux tissent des liens de camaraderie d’affaires dont les femmes restent trop souvent exclues. Si on veut participer, on doit parfois entrer dans un rapport de force brutal qu’on déplore. Et on doit se battre plus pour arriver à nos fins. On y parvient, mais c’est plus compliqué.” “Les femmes ont le sentiment de devoir doublement justifier la solidité de leur projet”, insiste la députée humaniste Véronique Lefrancq. Autre frein: la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. “La représentation est essentielle quand on dirige une société. Or, quand on est une femme en couple, avec des enfants, on attend aussi de nous qu’on s’occupe de sa famille, de sa maison… On est donc moins disponible pour finir les soirées au bar ou aller dans les groupes de concertation professionnelle ou dans des rencontres officielles”, souligne Isabelle Truc. A contrario, si on “délaisse” sa famille, on est pointée du doigt comme une “mauvaise mère”! Laetitia Van Hove, fondatrice de Five Oh, agence de creative PR spécialisée en musique, chargée entre autres de la communication d’Angèle et de Clara Luciani: “J’ai lancé la société en 2016, alors que j’étais maman d’un bébé de trois mois et que j’attendais le second! Aujourd’hui, je suis maman de trois enfants, je gère tout, mais la pression reste énorme. J’ai le sentiment que je dois me justifier non-stop d’être à la fois manager d’une équipe de six personnes et mère, que je dois prouver que je peux concilier le boulot et ma vie de famille. On dit encore trop souvent aux femmes qu’elles ne peuvent pas tout gérer: c’est faux!”Emmanuelle Adam approuve: “L’entrepreneuriat, ça ne s’arrête jamais, on bosse tout le temps, il y a toujours quelque chose à faire, à régler… Il m’arrive de culpabiliser parce que je ne passe pas assez de temps avec mon fils. Heureusement, je peux m’appuyer sur mon compagnon, qui gère un tas de tâches, mais la charge mentale reste énorme!” Cette sacrée charge mentale! Même si son importance a été démontrée, et que beaucoup d’hommes ont pris conscience de la répartition inégale des tâches dans la sphère familiale, là aussi, il reste du boulot. En 2020, la Ligue des Familles estimait que les femmes consacraient encore en moyenne plus de huit heures par semaine de plus que les hommes aux tâches ménagères. Soit l’équivalent d’une journée de travail bien remplie! Un chiffre qui a encore augmenté durant la pandémie: selon La Fondation des Femmes, 40% des femmes ont, durant le confinement, consacré quatre heures par jour aux enfants (*). Est-ce à dire que la vie d’entrepreneuse serait plus facile quand on est seule et sans enfant? Emna Everard tempère: “Je me suis lancée à 23 ans alors que j’étais encore aux études. J’ai 29 ans aujourd’hui, mon compagnon travaille avec moi, je ne suis pas encore mère mais j’ai fait d’autres compromis: moins de vacances, moins d’activités sociales… Mon entreprise prend toute la place, c’est vrai. Néanmoins, je le fais avec plaisir parce que j’y crois à fond!”Le plaisir! Un élément essentiel qui efface presque tout le reste… “Avoir monté ma boîte m’a permis de sortir du cadre, raconte Isabelle Truc. J’aime profondément mon métier. Et je jouis d’une rare liberté. Alors oui, je rencontre des obstacles, oui, c’est parfois compliqué, mais j’avance. C’est un chemin de vie qui monte et qui descend mais, au final, l’épanouissement est total.” Même son de cloche pour Dominique Marinus: “Je travaille énormément, j’ai le cerveau en ébullition permanente, mais je m’amuse et je me suis rarement sentie aussi bien, en phase avec ce que je fais!” En outre, la présence des femmes est bénéfique… pour les hommes. “Ce qui fait la force d’une entreprise, d’un réseau, c’est sa diversité, indique Claire Munck. Dès que plus de femmes ont rejoint BeAngels, on a senti la différence: on a vu émerger de nouveaux profils, d’autres perspectives, des questions différentes sur les projets et les entrepreneurs… et les hommes déjà membres s’en sont réjouis!” Pour Dominique Marinus, “il faut jouer la carte de la complémentarité. Les femmes ont des atouts comme l’intuition, la tempérance, qui peuvent profiter à tous”. Pour Isabelle Truc qui, au travers des oeuvres qu’elle produit, s’est toujours autant intéressée aux points de vue féminin et masculin, “la parité est une richesse. De plus en plus d’entreprises en prennent conscience et c’est une excellente nouvelle”. Pour Emna Everard, “la diversité apporte beaucoup”. Elle va même plus loin dans sa réflexion, affirmant qu’il faudrait sans doute cesser de distinguer les genres quand on aborde l’entrepreneuriat. “J’ai la conviction qu’en 2021, la différence n’a plus d’importance. Je ne me sens pas différente des hommes que je côtoie et qui se sont lancés: on a les mêmes rêves, les mêmes défis, les mêmes passions, les mêmes craintes.” Comment éveiller et booster la fibre entrepreneuriale chez les femmes? Pour la députée Véronique Lefrancq, “le gouvernement doit mettre en place des aides spécifiques aux projets portés par des femmes”. La politicienne a d’ailleurs déposé en ce sens une proposition de résolution visant à soutenir l’entrepreneuriat féminin, demandant, entre autres, l’instauration d’un gender balancing dans la répartition des fonds publics et la création d’un module de formation à la construction et à la gestion de projets afin de lutter contre les stéréotypes de genre. Les divers réseaux féminins sont également importants, qu’ils soient rejoints pour nouer des connaissances, recueillir des informations, ou simplement… parler. Claire Munck salue “l’émergence de plus en plus de clubs d’affaires, d’incubateurs, qui mettent l’accent sur le mentorat, le networking, l’information, etc.”. “Les cercles d’affaires permettent de faire tomber les barrières, complète Véronique Lefrancq. Ils sont un élément de réseautage intéressant et un lieu de parole, on y rencontre des femmes qui ont connu les mêmes difficultés que soi, on y est comprises et écoutées.” S’il est un point sur lequel toutes nos intervenantes sont unanimes, c’est la nécessité de plus de role models. “C’est simple, quand j’ai démarré, je n’en avais pas”, commente Laetitia Van Hove. Même constat pour Emna Everard: “Il n’y a pas assez d’entrepreneuses en Belgique, on manque clairement de modèles. Si aujourd’hui, je peux jouer ce rôle, j’en suis ravie. Je suis la preuve aussi qu’il ne faut pas nécessairement avoir fait carrière pour se lancer, ni avoir un nom, ni besoin de fonds importants pour se lancer!” Pour Claire Munck, “les médias mettent souvent en avant des rares licornes qui lèvent des centaines de milliers, voire des millions d’euros ; pas sûre que les femmes – ni les hommes d’ailleurs – se retrouvent dans ces modèles-là: il faut valoriser plus de modèles accessibles!” Isabelle Truc ajoute: “On a besoin de nouveaux modèles, auxquels il est possible de s’identifier. On doit montrer que oui, de telles femmes existent et qu’elles s’épanouissent dans ce qu’elles accomplissent.” Enfin, c’est au sein même de la famille que les stéréotypes doivent être combattus et l’esprit d’entreprendre cultivé. “Des générations entières ont été élevées avec des rôles féminins définis: la femme est mère, épouse… mais pas entrepreneuse, commente Dominique Marinus. Il faut promouvoir une éducation où l’on apprend l’égalité. Il ne s’agit pas de verser dans le non-genré absolu, mais d’affirmer qu’une fille est tout autant capable qu’un garçon de jouer au foot et de monter sa boîte.” Emmanuelle Adam en est également convaincue: “Pour un entrepreneuriat féminin fort, il faut une éducation ad hoc. Les parents jouent un rôle clé: si dès le jeune âge, on formate une petite fille pour qu’elle soit douce, gentille, jolie, qu’elle doit se trouver un bon mari, avoir des enfants et s’occuper de la maison, il est clair qu’il va lui être plus difficile d’entreprendre ensuite”. Un travail éducatif qui, pour Véronique Lefrancq et Claire Munck, doit trouver sa place à l’école également. Pour la députée humaniste, il est important de “dire aux petites filles que plusieurs modèles sont possibles, qu’il y a certes des risques à entreprendre mais aussi beaucoup d’avantages”. La CEO de BeAngels abonde: “Il faut sensibiliser très tôt les jeunes filles au fait qu’il est possible de lancer son propre projet. Pour cela, il faut – comme le fait par exemple l’ASBL 100.000 entrepreneurs – leur montrer les nombreux visages de l’entreprise et les différentes formes du succès”.

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