En 2012, la proposition de la Commission européenne d’instaurer à partir de 2025 un objectif de 40% de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse avait été recalée par le Conseil européen. Dix ans plus tard, une vaste étude démontre que les pays et entreprises ayant pris des mesures volontaristes sont ceux qui ont le plus progressé en matière d’égalité hommes/femmes.
2022 sera l’année européenne de la jeunesse. Peut-être aussi celle d’une avancée (très attendue) en matière d’égalité hommes-femmes, notamment dans les instances dirigeantes des entreprises cotées en Bourse. Du moins c’est ce que compte résolument défendre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Depuis quelques jours, ses comptes Twitter et LinkedIn s’échauffent d’appels à la volonté et à l’engagement à l’adresse des Etats membres.
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2022 sera l’année européenne de la jeunesse. Peut-être aussi celle d’une avancée (très attendue) en matière d’égalité hommes-femmes, notamment dans les instances dirigeantes des entreprises cotées en Bourse. Du moins c’est ce que compte résolument défendre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Depuis quelques jours, ses comptes Twitter et LinkedIn s’échauffent d’appels à la volonté et à l’engagement à l’adresse des Etats membres. Il faut dire que les chiffres rendus publics ce 20 janvier par l’ONG European Women on Boards (EWOB) lui donnent de solides arguments. Dans son tout dernier baromètre Gender Diversity Index (GDI), l’EWOB dresse un état des lieux de la présence des femmes dans différentes instances dirigeantes de 668 entreprises européennes cotées en Bourse. C’est le troisième baromètre du genre mené par l’ONG proche des instances européennes à Bruxelles, en collaboration avec l’institut d’études Kantar Public. Principale conclusion de l’étude: de manière générale, le pourcentage de femmes au sein des organes décisionnaires des entreprises européennes cotées en Bourse progresse, mais reste largement en dessous des ambitions européennes, et les avancées sont incroyablement lentes. Entre 2019 et 2021, le GDI moyen européen a progressé d’un peu plus de 11%, passant de 0,53 à 0,59 – sachant qu’un GDI de 1 correspond à la parité totale (soit 50/50). Les femmes occupent 30% de tous les postes de direction (conseil d’administration, comité exécutif et comités du conseil) ainsi que 35% des sièges du conseil d’administration. Et 84 entreprises sur 668 présentent un GDI de 0,8 ou plus ; elles étaient 62 en 2020. Par contre, on observe que seulement 50 entreprises analysées ont une CEO femme. “Etant donné que les femmes représentent une large majorité des étudiants universitaires, il est choquant de constater que seulement 7% des entreprises en Europe sont dirigées par une femme”, commente Hedwige Nuyens, présidente d’EWOB. Et en Belgique? Notre pays figure en huitième position sur les 19 pays couverts. “Nous pourrions faire mieux avec un objectif de 40% plutôt que 33% actuellement. Il faudrait également un objectif de femmes au niveau des comités exécutifs comme cela a maintenant été mis en place en France et aux Pays-Bas”, poursuit Hedwige Nuyens. A noter que notre pays compte une seule femme CEO sur les 16 entreprises analysées. “La Belgique pourrait nettement faire mieux! Le côté positif est que neuf entreprises ont progressé. Par contre, pour six entreprises, c’est l’inverse.” La particularité de ce GDI est qu’il se penche sur plusieurs niveaux de leadership: le conseil d’administration, mais aussi le comité de direction et les cadres dirigeants. “Nous avions en effet démarré notre baromètre avec les conseils d’administration, mais nous nous sommes rendu compte que ce n’est pas parce que ceux-ci atteignent les 40% de représentation féminine que ça bouge au niveau des comités exécutifs”, explique Hedwige Nuyens. Et là, le résultat est franchement inquiétant: seulement 19% des cadres exécutifs sont des femmes. Par contre, en Belgique, on est à 29% pour les cinq plus grosses entreprises. Conclusion? “C’est très simple, le pouvoir ne se partage pas naturellement et les entreprises ne bougent que quand elles sont encouragées ou obligées de faire quelque chose. C’est pourquoi notre message à la Commission européenne est qu’il faut aussi des objectifs pour les comités exécutifs.” Ça, c’est pour les moyennes globales européennes. Mais une analyse plus fine des progrès par pays et par entreprise révèle un fait absolument imparable: c’est dans les pays qui mettent la barre plus haut, sous forme de quotas ou d’objectifs volontaristes, que les progrès sont les plus visibles. “A contrario, dans ceux qui ne prennent aucune mesure, comme la Suisse, le Luxembourg ou la Pologne, vous ne voyez aucun progrès”, souligne Hedwige Nuyens. Ce 20 janvier, à l’occasion d’un événement en ligne (*), l’EWOB remettra un award aux 84 entreprises “meilleures élèves” du GDI. Car les entreprises font partie des leviers du changement que l’EWOB compte actionner dans sa stratégie, aux côtés du lobbying envers les instances européennes, des actions dans chaque pays européen, ainsi que d’un programme d’accompagnement des femmes dirigeantes. “Chaque entreprise est un levier de changement et on le voit dans ce rapport: il y a des entreprises qui n’ont besoin d’aucune loi pour avancer, parce qu’elles voient d’elles-mêmes que c’est un enjeu stratégique, poursuit Hedwige Nuyens. Pfizer, par exemple, est un beau cas. A un moment, le CEO a décidé qu’il faudra la parité en 2025. Ils étaient à 30% de femmes il y a deux ans au top management. Aujourd’hui ils sont déjà à 40-60!” L’EWOB est né en réponse au blocage européen sur la proposition d’imposer un objectif de 40% de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse. Cette directive avortée – rebaptisée par certains the sleeping beauty – devrait revenir sur la table bientôt, poussée entre autres par la présidente de la Commission européenne. “Nous sommes nombreux et nombreuses à dire que ça suffit. Comme le dit Ursula von der Leyen, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre encore 10 ans! C’est pourquoi l’EWOB aide la Commission européenne à tous les égards. Un déblocage est imminent. Ce serait un pas décisif pour les femmes et les entreprises en Europe!”, se réjouit Hedwige Nuyens. Pour elle, la raison d’être d’une entreprise dépend de sa volonté à faire de la diversité une vraie stratégie. “J’ai travaillé six ans chez BNP Paribas, et quand le CEO Jean-Laurent Bonnafé est arrivé, il y avait au top 100 seulement huit femmes. Aujourd’hui, elles sont 33, et la proportion atteindra bientôt les 40%. J’ai pu voir l’impact sur la culture, sur les enjeux, et aussi sur l’aspiration des jeunes femmes. Parce que quand on ne voit que des hommes au sommet, c’est difficile de se sentir à l’aise.” La présidente de l’EWOB conclut: “Quand vous regardez le site de certaines entreprises qui se disent ‘force de changement’ mais affichent un comité exécutif composé de deux femmes… et de 16 hommes blancs, désolée, mais pour moi, ça ne fait pas partie de l’image du futur!”Un article de Liliane Fanello.