La vaccination reste un sujet délicat en entreprise, tabou même. Il sera bientôt possible pour un employeur de connaître le taux de vaccination au sein de son personnel… avec des garde-fous.
Dans le monde entrepreunarial belge, des voix s’élèvent pour que les entreprises puissent avoir accès aux données de vaccination de leur personnel. C’est notamment une volonté de l’organisation patronale flamande Voka et de la fédération technologique Agoria.
Un outil est actuellement en cours de développement pour permettre à la médecine du travail de connaître le taux de vaccination dans les entreprises de plus de 50 travailleurs, conformément à une décision en ce sens prise par la Conférence interministérielle santé. La task force vaccination a confirmé cette information au Soir ce jeudi. Cet outil devrait être prêt fin septembre.
L’outil permettra de déterminer le pourcentage de personnes vaccinées dans une société donnée en croisant les données de l’ONSS et la base de données sur le statut vaccinal Vaccinet.
Des données anonymes
Un employeur pourra-t-il savoir nommément si ses collaborateurs sont vaccinés ? “Il s’agira de données anonymisées“, assure Koen Snyders, administrateur délégué de l’ONSS. “L’employeur ne pourra jamais savoir sur la base de celles-ci qui est vacciné ou pas dans son entreprise“. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les données ne seront disponibles que pour les entreprises de minimum 50 personnes. Un nombre jugé suffisamment élevé pour ne pas permettre de déduire en interne qui serait vacciné ou pas, peut-on lire sur le site de la RTBF.
50 personnes est aussi le seuil à partir duquel une entreprise doit avoir un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), l’un des organes de la concertation sociale. Puisqu’il s’agit de données ONSS, seuls les salariés seront pris en compte dans le calcul. Ces données ne seront pas accessibles à la direction mais c’est la médecine du travail, via le Service externe de prévention et de protection au travail, qui sera seule habilitée à les consulter.
Il est en effet illégal d’interroger son personnel pour savoir s’il a été ou non vacciné, indique à Belga Thierry Evens, porte-parole de l’UCM. C’est une donnée médicale, comme celle de savoir s’ils fument ou boivent beaucoup d’alcool, et un accord en ce sens a d’ailleurs été signé il y a quelques mois par les fédérations patronales et les syndicats, rappelle-t-il. Il ne peut dès lors y avoir ni de discrimination positive (par exemple une prime) ni négative (refus d’accès au lieu de travail) à l’égard des vaccinés au détriment des non-vaccinés.
Tout cela met certaines PME dans une situation inconfortable, confirme l’UCM. Selon l’organisation patronale, c’est particulièrement le cas dans le secteur des soins de santé, avec des maisons de repos où les employeurs sont inquiets de travailler avec des personnes non-vaccinées.
Dans ce contexte, le minitre de la Santé Frank Vandenbroucke a précisé en août dernier les modalités d’application de la vaccination obligatoire pour le personnel soignant belge.La mise en place légale de cette vaccination obligatoire prendra du temps, “plusieurs mois” selon le Ministre belge de la Santé.
Une rupture unilatérale de contrat
Reste aussi à savoir ce que risquent les employeurs qui poseraient la question à leurs collaborateurs et mettraient en place un régime de travail différencié entre les deux groupes-cibles, voire modifieraient radicalement les tâches et conditions de travail des non-vaccinés. Pour l’UCM, c’est encore le flou pour le moment car aucun dossier de ce genre n’a abouti devant le tribunal. Mais, d’après Olivier Marcq, expert chez Acerta, cela peut s’apparenter à une rupture unilatérale de contrat et le travailleur pourrait dès lors demander des indemnités de rupture majorées. Le spécialiste RH décourage d’ailleurs les employeurs qui l’interrogent à agir en ce sens. Selon Acerta, cela ne concerne cependant qu’un nombre très limité d’entreprises.
Important aussi à savoir: d’un point de vue juridique, aucune nouvelle base légale ne serait nécessaire pour avoir accès à ce taux de vaccination. Le transfert des données de vaccination à la médecine du travail était déjà couverts par l’accord de coopération “vaccin” de mars dernier, précise la RTBF. L’autorisation de traitement de données a été introduite auprès du Comité de sécurité de l’information (CSI), mais celui-ci n’a pas encore rendu sa décision.
Garder l’équilibre entre la protection du personnel et l’assouplissement des mesures
Selon Bart Steukens, CEO d’Agoria, cette mesure permet de “garder l’équilibre entre la protection des collègues lorsque cela est nécessaire et l’assouplissement des mesures lorsque cela est possible”, alors que dans de trop nombreux endroits de notre pays, il n’y a toujours pas assez de personnes vaccinées, notamment à Bruxelles.
“Lorsque le nombre de personnes vaccinées est moindre, l’employeur peut donc prendre des mesures concrètes (masques buccaux, télétravail, compteurs de CO2, ventilation)” pour améliorer la situation, poursuit-il. “Les entreprises ou organisations ayant un pourcentage élevé de personnes vaccinées peuvent assouplir en même temps les mesures. Cela nous donne une base objective et incitera les entreprises à s’observer et à apprendre les unes des autres”.
Garantir la confidentialité
La mesure soulève cependant des objections côté syndical. L’ACV (pendant flamand de la CSC) met en garde et rappelle qu’il faut garantir “la confidentialité” des employés. “Après tout, savoir si un salarié est vacciné, c’est se renseigner sur son état de santé“, déclare Stijn Gryp, du syndicat chrétien. Dans les entreprises de plus de 1.000 employés, par exemple, il serait sans doute plus facile de préserver l’anonymat, concède cependant Stijn Gryp.
Mais le syndicaliste craint que cette information sur le taux de vaccination ne crée une atmosphère négative au sein de certaines entreprises. “Et nous ne voudrions pas que cela serve de prétexte à l’envoi de bus de vaccination dans les sociétés. Il serait alors difficile de garantir l’anonymat et le caractère volontaire de la vaccination. La pression se ferait sentir de toute façon“, ponctue-t-il.
Eviter les tensions entre vaccinés et non-vaccinés
Il arrive en effet parfois que des tensions émergent au sein des entreprises, comme d’ailleurs dans la sphère privée, entre vaccinés et non-vaccinés. Ce qui amène certains employeurs à interroger leur fédération patronale ou leur secrétariat social sur ce qu’il leur est permis de faire afin de trouver un juste milieu.
Une certaine frustration se crée progressivement parmi certains travailleurs vaccinés qui n’arrivent pas à retrouver une vie normale sur leur lieu de travail, parfois car certains de leurs collègues ont choisi de ne pas se faire vacciner, constate Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseiller juridique chez SD Worx. Après des mois de travail en distanciel, les employeurs, responsables du bien-être de leur personnel, veulent en outre organiser des fêtes ou des activités de team-building pour resserrer les liens entre leurs collaborateurs mais sont coincés par la situation et se demandent s’il est judicieux de le faire, explique l’expert.
L’Italie veut généraliser le pass sanitaire à tous les lieux de travail
Le gouvernement italien s’apprête à généraliser l’obligation sur le lieu de travail du pass sanitaire qui sera exigé aussi bien dans le secteur public que privé, selon un projet présenté jeudi soir en conseil des ministres.
“Le gouvernement est prêt à accélérer sur le pass sanitaire (…) Nous nous dirigeons vers l’obligation du pass sanitaire non seulement dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé”, a déclaré la ministre des Affaires régionales Mariastella Gelmini au micro de Radio Rai.
À partir du 15 octobre, le “green pass”, nom donné en Italie au pass sanitaire, serait donc exigé sur tous les lieux de travail, un dispositif qui de fait n’exclut donc que les retraités, les femmes et hommes au foyer et les chômeurs, selon des médias italiens.
Objectif de cette mesure: augmenter au maximum le taux de vaccination avant l’arrivée du froid qui risque de favoriser un regain des contagions. À ce stade, près de 75% de la population âgée de plus de douze ans est vaccinée, soit 40,46 millions de personnes.
“Le vaccin est notre arme unique contre le Covid“, a souligné Mariastella Gelmini. L’Italie a été le premier pays européen touché gravement par la pandémie qui a fait plus de 130.000 morts dans la péninsule et entraîné en 2020 la récession la plus grave depuis l’après-guerre.
La décision de généraliser le pass sanitaire est le fruit de longues discussions entre le gouvernement, les partis politiques composant la large coalition au pouvoir et les partenaires sociaux (syndicats et patronat).
Des amendes en cas de refus
Toujours selon les médias, l’absence de pass sanitaire sera sévèrement sanctionnée, sans toutefois aller jusqu’au licenciement. Une amende de 400 à 1.000 euros pourra être infligée, et elle sera encore plus élevée en cas de contrefaçon. Au bout de cinq jours d’absence non justifiée due à l’absence de pass, “la relation de travail sera suspendue de même que le salaire”.
Un débat est encore en cours sur les tests que devront effectuer les personnes non vaccinées pour avoir le pass sanitaire. Les syndicats exigent que ce soit l’État qui les paye alors que le gouvernement craint que cela diminue le caractère incitatif du pass pour se faire vacciner.
L’Italie n’est pas le premier pays européen à adopter une mesure de ce type. En Grèce, depuis le 13 septembre, les employés non vaccinés des secteurs public et privé doivent se faire tester à leurs frais une ou deux fois par semaine en fonction de leur profession.
En France, l’obligation vaccinale pour le personnel soignant à l’hôpital et en Ehpad et plusieurs autres professions (soignants libéraux, aides à domicile, pompiers, ambulanciers) entre en vigueur en France ce mercredi 15 septembre. Certains concernés préfèrent encore changer de métier ou partir à la retraite plutôt que de s’y plier.
La mise en place légale de la vaccination obligatoire du personnel soignant belge prendra du temps, “plusieurs mois” selon le Ministre belge de la Santé. Son application concrète est dès lors impossible dès le mois de septembre, alors qu’une flambée des hospitalisations est redoutée en automne.
Dans le monde entrepreunarial belge, des voix s’élèvent pour que les entreprises puissent avoir accès aux données de vaccination de leur personnel. C’est notamment une volonté de l’organisation patronale flamande Voka et de la fédération technologique Agoria. Un outil est actuellement en cours de développement pour permettre à la médecine du travail de connaître le taux de vaccination dans les entreprises de plus de 50 travailleurs, conformément à une décision en ce sens prise par la Conférence interministérielle santé. La task force vaccination a confirmé cette information au Soir ce jeudi. Cet outil devrait être prêt fin septembre. L’outil permettra de déterminer le pourcentage de personnes vaccinées dans une société donnée en croisant les données de l’ONSS et la base de données sur le statut vaccinal Vaccinet. Un employeur pourra-t-il savoir nommément si ses collaborateurs sont vaccinés ? “Il s’agira de données anonymisées”, assure Koen Snyders, administrateur délégué de l’ONSS. “L’employeur ne pourra jamais savoir sur la base de celles-ci qui est vacciné ou pas dans son entreprise”. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les données ne seront disponibles que pour les entreprises de minimum 50 personnes. Un nombre jugé suffisamment élevé pour ne pas permettre de déduire en interne qui serait vacciné ou pas, peut-on lire sur le site de la RTBF.50 personnes est aussi le seuil à partir duquel une entreprise doit avoir un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), l’un des organes de la concertation sociale. Puisqu’il s’agit de données ONSS, seuls les salariés seront pris en compte dans le calcul. Ces données ne seront pas accessibles à la direction mais c’est la médecine du travail, via le Service externe de prévention et de protection au travail, qui sera seule habilitée à les consulter. Il est en effet illégal d’interroger son personnel pour savoir s’il a été ou non vacciné, indique à Belga Thierry Evens, porte-parole de l’UCM. C’est une donnée médicale, comme celle de savoir s’ils fument ou boivent beaucoup d’alcool, et un accord en ce sens a d’ailleurs été signé il y a quelques mois par les fédérations patronales et les syndicats, rappelle-t-il. Il ne peut dès lors y avoir ni de discrimination positive (par exemple une prime) ni négative (refus d’accès au lieu de travail) à l’égard des vaccinés au détriment des non-vaccinés.Tout cela met certaines PME dans une situation inconfortable, confirme l’UCM. Selon l’organisation patronale, c’est particulièrement le cas dans le secteur des soins de santé, avec des maisons de repos où les employeurs sont inquiets de travailler avec des personnes non-vaccinées.Dans ce contexte, le minitre de la Santé Frank Vandenbroucke a précisé en août dernier les modalités d’application de la vaccination obligatoire pour le personnel soignant belge.La mise en place légale de cette vaccination obligatoire prendra du temps, “plusieurs mois” selon le Ministre belge de la Santé. Reste aussi à savoir ce que risquent les employeurs qui poseraient la question à leurs collaborateurs et mettraient en place un régime de travail différencié entre les deux groupes-cibles, voire modifieraient radicalement les tâches et conditions de travail des non-vaccinés. Pour l’UCM, c’est encore le flou pour le moment car aucun dossier de ce genre n’a abouti devant le tribunal. Mais, d’après Olivier Marcq, expert chez Acerta, cela peut s’apparenter à une rupture unilatérale de contrat et le travailleur pourrait dès lors demander des indemnités de rupture majorées. Le spécialiste RH décourage d’ailleurs les employeurs qui l’interrogent à agir en ce sens. Selon Acerta, cela ne concerne cependant qu’un nombre très limité d’entreprises.Important aussi à savoir: d’un point de vue juridique, aucune nouvelle base légale ne serait nécessaire pour avoir accès à ce taux de vaccination. Le transfert des données de vaccination à la médecine du travail était déjà couverts par l’accord de coopération “vaccin” de mars dernier, précise la RTBF. L’autorisation de traitement de données a été introduite auprès du Comité de sécurité de l’information (CSI), mais celui-ci n’a pas encore rendu sa décision.Selon Bart Steukens, CEO d’Agoria, cette mesure permet de “garder l’équilibre entre la protection des collègues lorsque cela est nécessaire et l’assouplissement des mesures lorsque cela est possible”, alors que dans de trop nombreux endroits de notre pays, il n’y a toujours pas assez de personnes vaccinées, notamment à Bruxelles. “Lorsque le nombre de personnes vaccinées est moindre, l’employeur peut donc prendre des mesures concrètes (masques buccaux, télétravail, compteurs de CO2, ventilation)” pour améliorer la situation, poursuit-il. “Les entreprises ou organisations ayant un pourcentage élevé de personnes vaccinées peuvent assouplir en même temps les mesures. Cela nous donne une base objective et incitera les entreprises à s’observer et à apprendre les unes des autres”.La mesure soulève cependant des objections côté syndical. L’ACV (pendant flamand de la CSC) met en garde et rappelle qu’il faut garantir “la confidentialité” des employés. “Après tout, savoir si un salarié est vacciné, c’est se renseigner sur son état de santé”, déclare Stijn Gryp, du syndicat chrétien. Dans les entreprises de plus de 1.000 employés, par exemple, il serait sans doute plus facile de préserver l’anonymat, concède cependant Stijn Gryp.Mais le syndicaliste craint que cette information sur le taux de vaccination ne crée une atmosphère négative au sein de certaines entreprises. “Et nous ne voudrions pas que cela serve de prétexte à l’envoi de bus de vaccination dans les sociétés. Il serait alors difficile de garantir l’anonymat et le caractère volontaire de la vaccination. La pression se ferait sentir de toute façon”, ponctue-t-il.Il arrive en effet parfois que des tensions émergent au sein des entreprises, comme d’ailleurs dans la sphère privée, entre vaccinés et non-vaccinés. Ce qui amène certains employeurs à interroger leur fédération patronale ou leur secrétariat social sur ce qu’il leur est permis de faire afin de trouver un juste milieu.Une certaine frustration se crée progressivement parmi certains travailleurs vaccinés qui n’arrivent pas à retrouver une vie normale sur leur lieu de travail, parfois car certains de leurs collègues ont choisi de ne pas se faire vacciner, constate Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseiller juridique chez SD Worx. Après des mois de travail en distanciel, les employeurs, responsables du bien-être de leur personnel, veulent en outre organiser des fêtes ou des activités de team-building pour resserrer les liens entre leurs collaborateurs mais sont coincés par la situation et se demandent s’il est judicieux de le faire, explique l’expert.