Après les biotechs, les vet-techs?

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

Plusieurs sociétés innovantes actives dans la médecine vétérinaire sortent du lot ces derniers mois. Fédérer et muscler cet écosystème naissant aurait tout son sens dans le cadre d’un plan de relance.

L’ introduction en Bourse d’une société belge, ce n’est déjà pas très fréquent. Mais l’introduction en Bourse d’une société vétérinaire belge, c’est encore plus rare. TheraVet, qui boucle ces jours-ci son opération, serait même la première entreprise wallonne du genre à tenter cette aventure. Vesale Pharma (Eghezée), active en médecine humaine mais depuis peu aussi en médecine vétérinaire, pourrait suivre à moyen terme. Et l’on voit aussi Revatis (Marche) s’attaquer aux thérapies cellulaires destinées aux chevaux de compétition, ou Bio-Sourcing (Liège) tenter de modifier génétiquement des chèvres pour que des anticorps spécifiques se retrouvent dans leur lait et puissent servir de médicament pour d’autres animaux.

L’ introduction en Bourse d’une société belge, ce n’est déjà pas très fréquent. Mais l’introduction en Bourse d’une société vétérinaire belge, c’est encore plus rare. TheraVet, qui boucle ces jours-ci son opération, serait même la première entreprise wallonne du genre à tenter cette aventure. Vesale Pharma (Eghezée), active en médecine humaine mais depuis peu aussi en médecine vétérinaire, pourrait suivre à moyen terme. Et l’on voit aussi Revatis (Marche) s’attaquer aux thérapies cellulaires destinées aux chevaux de compétition, ou Bio-Sourcing (Liège) tenter de modifier génétiquement des chèvres pour que des anticorps spécifiques se retrouvent dans leur lait et puissent servir de médicament pour d’autres animaux. Un écosystème – ou cluster – serait-il en train d’émerger doucement sous nos yeux? Peut-être bien. Ces start-up ne sont en effet pas isolées. On retrouve aussi dans le monde vétérinaire wallon une grande entreprise comme Zoetis, spécialisée dans les vaccins pour animaux (surtout d’élevage) et qui emploie plus de 500 personnes à Louvain-la-Neuve, un acteur académique réputé comme la faculté de médecine vétérinaire de l’ULiège et un remarquable centre d’expertise en médecine animale à Marche (le CER). “Tous les ingrédients d’un écosystème sont bien là, convient Sylvie Ponchaut, directrice générale de Biowin, le pôle de compétitivité des sciences du vivant qui a validé quelques projets de recherche en médecine vétérinaire. Les compétences, le savoir-faire sont indéniables. Je crains toutefois que la masse critique soit encore assez faible au regard, par exemple, de ce qui se développe dans la région de Lyon.” La question est alors: ces ingrédients sont-ils suffisamment solides pour construire le chemin vers cette masse critique? Sylvie Ponchaut est convaincue que les éléments, aujourd’hui encore un peu épars, peuvent constituer assez rapidement “un noyau de cristallisation.” “Des sociétés wallonnes ont développé une palette de technologies très intéressantes. A un moment donné, cela peut cartonner, assure-t-elle. Ces sous-filières sont les cas typiques où cela vaut la peine d’essayer d’attirer des sociétés étrangères pour combler utilement les niches qui seraient resté vides.” “C’est le moment d’y aller, il faut être proactifs pour créer les champions de demain, abonde le CEO de TheraVet, Enrico Bastianelli. La Wallonie a parfaitement joué le jeu dans la santé humaine, en particulier dans les thérapies cellulaires, en facilitant les contacts entre les acteurs à tous les niveaux de chaîne. Elle peut s’en inspirer pour devenir un acteur prépondérant en médecine vétérinaire. Nous sommes vraiment à un point d’inflexion.” Le CEO suggère de procéder à un screening précis de ce qui existe, des recherches menées dans les universités et de ce qui pourrait être développé pour soigner des pathologies animales. Une fois que la machine est lancée, on le voit avec les biotechs, des sociétés de service se créent autour pour gérer qui les aspects réglementaires, qui les études cliniques, qui la logistique. “Tout se démultiplie alors, poursuit Enrico Bastianelli. C’est une très belle niche, avec un beau potentiel industriel, même si elle n’aura jamais la taille de la médecine humaine.” “Les entreprises qui émergent en médecine vétérinaire sont plus complémentaires que concurrentes, ajoute Didier Serteyn, CEO et fondateur de Revatis. Cela aurait du sens de regrouper les forces de ce que l’on pourrait appeler les vet-techs, en particulier pour attaquer les marchés étrangers.” La taille critique dépend aussi de ce que l’on veut intégrer, ou pas, dans cet écosystème. “La médecine vétérinaire, ce n’est pas uniquement le diagnostic et le traitement des pathologies, glisse à cet égard Robert Renaville, fondateur et CEO de Progenus. Cela concerne aussi la production ou toute la problématique du bien-être animal, de plus en plus mise en avant.” “L’excellence belge est reconnue dans l’élevage de chevaux ou de porcs, dans les oiseaux aussi et même dans les chiens et les chats, qui s’illustrent dans de nombreux concours internationaux, ajoute sa fille Bénédicte, désormais COO de l’entreprise familiale. Nous avons vraiment un microcosme favorable. Cela vaut certainement la peine de fédérer les forces et de rechercher des synergies.” A son niveau, Progenus joue déjà les relais en louant ses services de recherche à d’autres entreprises. “Cela intéresse des PME qui n’ont pas l’infrastructure mais aussi des grandes entreprises qui ont besoin de notre rapidité d’action, se félicite Bénédicte Renaville. Notre société a 20 ans mais elle conserve son esprit start-up, son agilité. Ces interactions enrichissent notre laboratoire d’analyse.” La rentabilité est le principal frein au développement de la médecine vétérinaire. Les propriétaires ne sont pas prêts à dépenser les mêmes sommes qu’en médecine humaine et aucune sécurité sociale n’intervient dans les frais. Mais le marché évolue rapidement. A la fois dans les élevages intensifs où l’attention croissante au bien-être animal fait grandir les besoins vétérinaires, et chez les animaux de compagnie, de plus en plus nombreux, de plus en plus considérés comme des membres de la famille, comme des êtres dont il faut suivre l’état de santé de près. “Quand des besoins naissent, les entreprises se développent pour essayer d’y répondre, dit Bénédicte Renaville. Nous le voyons chez Progenus: le fait que nous soyons capables d’identifier préventivement des marqueurs de maladie intéresse beaucoup les propriétaires.” “Les animaux vivent plus longtemps et souffrent alors davantage de diabète, d’obésité, de problèmes articulaires, ajoute Enrico Bastianelli. Il y a en quelque sorte une tendance lourde à ce qu’ils développent les mêmes pathologies que leurs maîtres.” Tout cela contribuera, précise le patron de TheraVet, à une croissance attendue du marché vétérinaire de 6% par an sur les cinq à dix prochaines années. De quoi, effectivement, susciter quelques appétits. C’est d’autant plus vrai que, d’une part, les vétérinaires exercent de plus en plus souvent en groupe, réunis dans des cliniques, avec des équipements permettant de pratiquer plus d’interventions. Et que d’autre part, les assureurs commencent à proposer des polices de soins vétérinaires. “On s’attend à une croissance annuelle de 15% de ce segment sur les 10 prochaines années”, affirme Enrico Bastianelli. A ce contexte porteur, il faut encore ajouter les connexions entre les médecines humaine et vétérinaire. Les réglementations sont évidemment moins exigeantes pour le développement de thérapies destinées aux animaux mais elles n’en suivent pas moins les mêmes grandes étapes qu’en médecine humaine. “On travaille donc dans des environnements de qualité, avec des besoins très proches en compétences et en expertises, pointe Marc Foidart, COO de Noshaq, qui a notamment investi dans Revatis et Bio-Sourcing. Toutes les sociétés de santé humaine passent par l’animal. Ce n’est sans doute pas pertinent pour tout mais on peut imaginer que des sociétés cherchent aussi à commercialiser leurs innovations pour le domaine animal.” C’est particulièrement vrai dans le domaine des thérapies cellulaires où, justement, la Wallonie est à la pointe. “Les agences américaines et européennes reconnaissent maintenant les données cliniques récoltées en médecine vétérinaire comme des données pré-cliniques en médecine humaine, rappelle Didier Serteyn (Revatis). Cela peut réduire les coûts et les délais des études, tout en limitant le nombre d’animaux de laboratoire. Autant profiter des maladies spontanées rencontrées par les vétérinaires pour ces études pré-cliniques. Il y a clairement des liens possibles entre notre production de cellules sur base de matrices et des applications en médecine humaine. Il faut prendre en compte ce potentiel pour bien analyser les retombées économiques.” Le CEO parle en connaissance de cause puisque Revatis propose sa technologie unique d’obtention des cellules souches aussi en médecine humaine (uniquement en recherche). Didier Serteyn confie cependant avoir parfois l’impression que les projets de recherche vétérinaire sont un peu vite recalés pour des raisons économiques, sans trop regarder les synergies possibles avec la médecine humaine. Au moment où la Wallonie se cherche de nouvelles filières pour son redéploiement économique, de telles réticences devraient rapidement tomber.

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