Le secteur bancaire plombé par la guerre en Ukraine

LA FIDUCIAIRE

Experts-Comptables ITAA

En Bourse, les banques ont tout particulièrement souffert du conflit en Ukraine et des sanctions ciblant la Russie. Société Générale ou Citigroup pourraient subir d’importantes pertes à cause de leur filiale russe. Mais les investisseurs redoutent surtout un impact durable sur la rentabilité du secteur.

Outre l’économie en général, le secteur bancaire européen inquiète également en raison de la menace d’importantes pertes financières. Le géant pétrolier russe Rosneft a d’ores et déjà effectué le remboursement d’une émission obligataire de 2 milliards de dollars en retard, selon l’agence Bloomberg. Et les menaces de défauts de payement (non-remboursement de dettes et non-payement d’intérêts) sont de plus en plus concrètes. Fitch Rating a réduit sa note sur la Russie à C, synonyme de “défaut imminent”. Moody’s est passé à Ca, soit “hautement spéculatif avec un défaut proche ou probable, mais une certaine possibilité de récupérer le principal et les intérêts”. Le Kremlin a également annoncé la couleur en dévoilant une liste de “pays hostiles” dont les créanciers (détenteurs d’obligations, etc.) pourront être remboursés en roubles, devise qui ne cesse de perdre de la valeur sur les marchés des changes.

Outre l’économie en général, le secteur bancaire européen inquiète également en raison de la menace d’importantes pertes financières. Le géant pétrolier russe Rosneft a d’ores et déjà effectué le remboursement d’une émission obligataire de 2 milliards de dollars en retard, selon l’agence Bloomberg. Et les menaces de défauts de payement (non-remboursement de dettes et non-payement d’intérêts) sont de plus en plus concrètes. Fitch Rating a réduit sa note sur la Russie à C, synonyme de “défaut imminent”. Moody’s est passé à Ca, soit “hautement spéculatif avec un défaut proche ou probable, mais une certaine possibilité de récupérer le principal et les intérêts”. Le Kremlin a également annoncé la couleur en dévoilant une liste de “pays hostiles” dont les créanciers (détenteurs d’obligations, etc.) pourront être remboursés en roubles, devise qui ne cesse de perdre de la valeur sur les marchés des changes. Face à cet effondrement financier latent de la Russie, le secteur bancaire est pressé de faire la lumière sur son exposition. Très rapidement, il est apparu que ceux qui avaient le plus à perdre sont Raiffeisen Bank International, Société Générale et UniCredit en Europe, ainsi que Citigroup aux Etats-Unis. Ces groupes financiers ont des filiales actives dans la banque au détail en Russie et ont donc un important portefeuille de crédits sur place. Il leur est aussi beaucoup plus difficile d’imiter Goldman Sachs qui a annoncé clôturer ses activités en Russie où elle est surtout présente pour des opérations de marché ou des clients internationaux qui sont de plus en plus nombreux à quitter la Russie. En début de mois, la banque autrichienne Raiffeisen a ainsi démenti vouloir quitter le pays de Vladimir Poutine. Par contre, Citigroup entendait se désengager de la Russie et avait mis sa filiale locale en vente, mais la finalisation de l’opération semble quasiment devenue impossible, les candidats intéressés étant des banques russes aujourd’hui sous le coup de sanctions. Même moins exposées, la plupart des autres banques n’envisagent actuellement pas de quitter la Russie, à l’image de la Deutsche Bank. Selon le directeur financier de cette dernière, James von Moltke, l’arrêt des activités en Russie n’est pas une option “pour des raisons pratiques”. Du côté de Société Générale, il n’est pas non plus question de couper (volontairement) les ponts avec la Russie. La banque française s’est par contre déclarée “tout à fait en mesure d’absorber les conséquences d’un éventuel scénario extrême qui affecterait les droits de propriété sur ses actifs bancaires en Russie”. Concrètement, Société Générale évalue qu’une expropriation pure et simple par Moscou de sa filiale russe Rosbank réduirait son ratio de fonds propres de base (CET1) de 50 points de base. Il passerait ainsi de 13,7% à 13,2% sur la base des chiffres du groupe de fin 2021, toujours largement supérieur au minimum réglementaire de 9%. Pour UniCredit, le coup serait un peu plus dur. “Dans le scénario extrême, si la totalité de notre exposition maximale est irrécupérable et réduite à zéro”, le ratio de fonds propres de base passerait de 15,03% à un peu plus de 13%. Le groupe italien insiste toutefois sur le fait que cela ne remettrait pas en cause sa prévision de dividende, ni son programme de rachat d’actions propres de 2,58 milliards d’euros. Raiffeisen a par contre d’ores et déjà annoncé la suspension de son dividende. Proportionnellement, sa filiale russe est en effet beaucoup plus importante, représentant près de 10% de ses actifs et un tiers de ses bénéfices en 2021, selon le Wall Street Journal. La banque autrichienne avait d’ailleurs déjà vu ses résultats tomber dans le rouge en 2014 lors de l’annexion de la Crimée par la Russie. Mais Raiffeisen, qui pourrait être très affectée, est clairement l’exception. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), l’exposition globale des banques d’Europe occidentale à des contreparties russes est de 91 milliards de dollars, soit à peine 0,2% de leurs actifs totaux. Par contre, l’impact indirect de la guerre en Ukraine pourrait être beaucoup plus important pour le secteur bancaire. L’envolée des prix de l’énergie a fait resurgir le spectre d’une stagflation mêlant forte inflation et croissance atone. Une perspective potentiellement très néfaste pour les banques. Les analystes d’Oblis expliquent ainsi que le scénario d’une stagflation “fait redouter des défaillances pour les entreprises les plus exposées aux conséquences de la guerre et aux répercussions des sanctions sur leurs activités”. Avec l’envolée des prix des denrées agricoles, des métaux ou de l’énergie, certaines entreprises risquent de ne pas parvenir à relever suffisamment leurs prix de vente pour compenser les surcoûts, mettant leurs marges et potentiellement leur solvabilité en danger. L’impact demeure toutefois impossible à estimer à l’heure actuelle, dépendant avant tout de l’évolution du conflit en Ukraine. Mais le secteur bancaire dispose d’une certaine marge de manoeuvre. Les provisions pour pertes sur crédits constituées en raison du risque pandémique n’ont pas dû être mobilisées, les faillites d’entreprises ayant même baissé ces deux dernières années. Comparativement à la crise de 2008, les banques ont aussi fortement renforcé leurs fonds propres qui servent d’amortisseurs en cas de pertes importantes. Selon les données de la Banque centrale européenne (BCE), le ratio de fonds propres de base CET1 était de 15,5% fin septembre pour les banques européennes. Quasiment le double de la situation de la mi-2007, avant la crise des subprimes, malgré une définition plus stricte des fonds propres. Faut-il en conclure que la récente chute des actions bancaires européennes reflète uniquement un mouvement de panique parmi les investisseurs? Cela serait omettre le second impact indirect de la guerre en Ukraine sur le secteur: les taux d’intérêt. La poussée de l’inflation ces derniers trimestres a redonné de l’élan aux taux alors que les banques centrales ont globalement durci leur politique monétaire pour éviter un emballement des prix trop rapide et une surchauffe de l’économie. Le rendement du Bund à 10 ans, le taux à long terme de référence en Europe, avait ainsi rebondi de -0,5% en août 2021 à + 0,3% en février. Des taux plus élevés sont de bon augure pour le secteur bancaire qui peut ainsi espérer un redressement de sa marge nette d’intérêts, soit la différence entre les intérêts générés par les crédits octroyés et le coût de ses financements. De plus, une remontée des taux de la BCE permettrait aux banques européennes d’échapper au taux de dépôt négatif (actuellement de – 0,5%) qu’elles doivent payer sur leurs excédents de liquidités. Sur la base des 803 milliards d’euros déposés par les banques européennes auprès de la BCE à la date du 9 mars, cela représente un coût théorique de 4 milliards d’euros par an. Mais la menace d’un ralentissement économique a récemment freiné la remontée des rendements sur les marchés et les banques centrales dans leur volonté de relever leurs taux directeurs. Malgré la très forte inflation, la BCE a ainsi décidé la semaine dernière de se laisser davantage de temps avant de remonter ses taux en raison de la guerre en Ukraine. Christine Lagarde, présidente de la BCE, a précisé que le timing dépendrait “des données”. L’institution francfortoise sera donc attentive à ne pas briser l’économie en relevant ses taux. En d’autres termes, les perspectives de rentabilité des banques dépendent aujourd’hui doublement de l’évolution de la conjoncture: au travers d’une possible remontée des pertes sur crédits et du redressement (interrompu) des taux et de la marge nette d’intérêts. Ce qui inquiète bien davantage les marchés qu’une menace sur la solvabilité des banques ou la crainte d’une nouvelle crise financière. Cette incertitude sur la rentabilité future explique aussi qu’une banque américaine exposée à la Russie comme Citigroup ait été moins sanctionnée en Bourse qu’une banque européenne très peu exposée comme KBC. Au niveau économique, les Etats-Unis sont bien moins menacés que l’Europe par la Russie, n’en étant notamment pas dépendants pour leur approvisionnement en gaz et entretenant globalement moins de liens commerciaux. Même si la décision n’a pas encore été annoncée à l’heure d’écrire ces lignes, tout porte ainsi à croire que la Réserve fédérale américaine aura relevé une première fois ses taux directeurs ce mercredi.

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