Après un exercice 2021 mitigé, les pays émergents font à nouveau face à des perspectives hétéroclites pour l’année à venir. Si une certaine prudence est de mise, les opportunités sont réelles, tant en actions qu’en obligations.
Entre les déboires des marchés chinois et les records successifs des Bourses indiennes, les marchés émergents ont connu des fortunes diverses en 2021. A quoi faut-il s’attendre pour l’année à venir? Nous avons fait le point avec quatre spécialistes.
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Entre les déboires des marchés chinois et les records successifs des Bourses indiennes, les marchés émergents ont connu des fortunes diverses en 2021. A quoi faut-il s’attendre pour l’année à venir? Nous avons fait le point avec quatre spécialistes. Pour Yves Ceelen, head of portfolio management chez DPAM, les difficultés des marchés chinois s’expliquent ainsi principalement par quatre raisons. D’abord “une croissance économique affectée par la poursuite de la crise sanitaire en raison d’un niveau plus faible de vaccinations et des confinements localisés qui continuent d’être mis en oeuvre”. Ensuite une Banque populaire de Chine qui hésite à donner une impulsion importante en facilitant le crédit “car cela pourrait affaiblir sa monnaie, alors que le pays continue à poursuivre une politique de monnaie forte pour internationaliser le renminbi”. Comme le rappelle Yves Ceelen, “la Chine est par ailleurs en pleine crise immobilière, ce qui a un impact sur l’économie et le sentiment des consommateurs car les Chinois investissent en grande partie leur épargne dans ce secteur”. Enfin, la réglementation des secteurs liés à la technologie a également pesé, “tout particulièrement sur les Bourses locales.” Les actions chinoises affichent dès lors aujourd’hui une décote substantielle par rapport à leurs homologues occidentales. L’indice MSCI China cote moins de 15 fois les bénéfices réalisés contre un multiple de 23 pour le MSCI World des marchés mondiaux développés. Pour Yohan Kadri-Caillaux, cogérant du fonds Sepiam Global Flexible, cette décote pourrait offrir “des points d’entrée intéressants” alors que “le flux de mauvaises nouvelles a été bien intégré dans les cours et que le positionnement moyen des investisseurs étrangers est faible après les importantes sorties depuis le début de l’année. De plus, nous commençons à voir une amélioration des chiffres économiques”. Un avis qui n’est toutefois pas partagé par Yves Ceelen, qui estime que la décote des marchés chinois est actuellement justifiée. Kiran Nandra, responsable de la gestion des actions des marchés émergents chez Pictet Asset Management, souligne pour sa part “l’écartèlement des performances sur les marchés chinois”. Pour profiter des opportunités, “il sera essentiel de se concentrer sur une poignée de secteurs, dont ceux mis en évidence dans le cadre du récent plan quinquennal, tels que les énergies renouvelables, l’internet industriel et la finance”. Les Bourses indiennes se sont, elles, de nouveau illustrées en 2021, confirmant qu’elles font bien partie des rares marchés mondiaux à suivre (et même dépasser) la cadence infernale imprimée par Wall Street. Le Bombay Stock Exchange pèse aujourd’hui environ 3.500 milliards de dollars. Une performance de choix que Yohan Kadri-Caillaux explique par “les flux d’investissement vers les marchés indiens, tant des petits investisseurs locaux domestiques (+15 milliards de dollars sur un an) que des institutionnels étrangers (+31 milliards de dollars sur un an)”. Christofer Govaerts, stratégiste en chef de Nagelmackers, épingle aussi l’importance du secteur des services technologiques dans l’économie indienne, une industrie qui a profité de la numérisation accélérée depuis le début de la pandémie. L’envolée récente des cours a tendu les ratios de valorisation, ce qui incite Kiran Nandra et Christofer Govaerts à une certaine prudence par rapport aux actions indiennes. Mais pour Yohan Kadri-Caillaux, cette valorisation élevée se justifie. “Du côté des autorités, la banque centrale favorise la croissance et reste accommodante. Le Premier ministre, Narendra Modi, a annoncé un vaste plan d’investissement dans les infrastructures du pays (de 1.400 milliards de dollars) qui devrait accélérer le développement des énergies propres et permettre au pays d’atteindre l’indépendance énergétique d’ici 2047. Du côté des entreprises, nous nous attendons à une poursuite de l’amélioration de la profitabilité au vu des réformes engagées.” S’ils sont en désaccord sur les perspectives pour 2022 des Bourses indiennes, les spécialistes que nous avons interrogés s’accordent sur le potentiel à long terme du deuxième pays le plus peuplé du monde. Quid, maintenant, des marchés sud-américains? Yves Ceelen résume l’année écoulée, plutôt contrastée. “L’Amérique latine a tout d’abord connu une forte reprise grâce à la hausse des prix des matières premières, explique le gestionnaire. Mais les performances ont ensuite été médiocres. Le fait que de nombreuses banques centrales locales soient dans un cycle de relèvement de taux assombrit les perspectives à court terme.” Kiran Nandra (Pictet) ajoute également que “les Bourses sud-américaines sont affectées par la mauvaise gestion économique et l’incertitude politique. C’est pourquoi nous préconisons une position globalement prudente”. Pour l’Europe de l’Est, Christofer Govaerts se montre pour sa part enthousiaste concernant les perspectives de l’Europe de l’Est, “le choix idéal dans l’univers émergent avec des perspectives de croissance favorables, grâce notamment à la reprise en Europe occidentale, et une inflation relativement sous contrôle, à l’exception de la Turquie”. Les pays émergents offrent aussi des opportunités aux amateurs d’obligations, selon Yohan Kadri-Caillaux. “Nous voyons un potentiel pour les obligations d’entreprises à haut rendement de croissance économique soutenue en 2022. Le niveau d’endettement des émetteurs a fortement baissé alors que les campagnes de vaccination dans les pays émergents devraient soutenir les résultats des entreprises. En ce qui concerne la valorisation, les spreads (primes de rendement, Ndlr) restent attractifs alors que les marchés anticipent déjà un durcissement de politique de la Réserve fédérale américaine”. Les taux effectifs atteignent près de 7% en moyenne sur cette classe d’actifs.