Alors que la pénurie de puces s’aggrave dans le monde, les semi-conducteurs pèsent de plus en plus lourd en Bourse. Outre la hausse actuelle des prix, le secteur profite surtout de perspectives à long terme très favorables.
La pénurie de semi-conducteurs “affectera significativement la production et les ventes au troisième trimestre … une situation qui se prolongera en 2022 d’un point de vue structurel”. Ola Källenius, CEO de Daimler, a douché les espoirs d’un retour rapide à la normale, évoquant une séquence qui perdurera jusqu’en 2023.
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La pénurie de semi-conducteurs “affectera significativement la production et les ventes au troisième trimestre … une situation qui se prolongera en 2022 d’un point de vue structurel”. Ola Källenius, CEO de Daimler, a douché les espoirs d’un retour rapide à la normale, évoquant une séquence qui perdurera jusqu’en 2023. Il n’est pas le seul, ni dans l’industrie automobile, ni dans d’autres secteurs. Tim Cook, CEO d’Apple, a averti que les problèmes d’approvisionnement pèseront sur les ventes d’iPhone. Microsoft peine à répondre à la demande de consoles Xbox et de tablettes Surface. Et Elon Musk a prévenu que Tesla ne pourrait produire que 30.000 à 35.000 batteries domestiques Powerwall au 3e trimestre malgré une demande de 80.000. Enfin, signe que la pénurie de puces affecte d’innombrables industries, le fabricant américain de sex-toys Crave Innovations a indiqué craindre aussi une rupture de son approvisionnement. La pénurie s’est en effet récemment aggravée à la suite de l’envolée des cas de coronavirus en Malaisie, où de nouvelles mesures sanitaires ont paralysé de nombreuses entreprises par manque de main-d’oeuvre. Or, ce pays abrite de nombreux centres de test et usines de conditionnement de puces, assurant 13% de cette activité dans le monde, selon l’agence Reuters. L’impact devrait évidemment être temporaire, mais aggrave un déficit plus structurel. D’une part, le secteur des semi-conducteurs avait connu un trou d’air à partir de l’automne 2018 en raison d’une légère surcapacité. Les entreprises avaient donc freiné leurs investissements, tendance qui s’est ensuite prolongée avec le début de la pandémie. D’autre part, la demande a littéralement explosé depuis le redémarrage de l’économie. Entre le rebond historique des ventes d’ordinateurs et de périphériques divers (claviers, webcams, etc.), la forte accélération des ventes de smartphones, la reprise extrêmement forte du secteur automobile ou le déploiement de la 5G, les principaux débouchés du secteur des semi-conducteurs ont connu une reprise vigoureuse. Pour répondre à cette demande, le secteur investit depuis l’année dernière. Il a augmenté ses dépenses en capital de 6% en 2020 à 108 milliards de dollars, selon le bureau d’analyse IC Insights. Cette année, les différents prévisionnistes prévoient une croissance de l’ordre de 20%. Toutefois, il faudra patienter avant que ces investissements ne débouchent sur des volumes supplémentaires. Outre le temps nécessaire à l’installation de nouveaux équipements, les analystes de Mirabaud Securities insistent sur les délais de production. “La fabrication d’une puce finie peut prendre jusqu’à 26 semaines.” Alors que la pénurie devrait soutenir les revenus du secteur en 2022, l’investisseur peut logiquement s’interroger sur la suite. Les augmentations de capitaux actuels ne risquent-elles pas d’engendrer une surcapacité de production à terme? Ce n’est pas impossible, mais tout porte à croire qu’elle serait très temporaire, comme fin 2018-début 2019. Le secteur des semi-conducteurs a en effet beaucoup évolué ces 10 dernières années. Auparavant, il était l’exemple typique d’une industrie hautement cyclique avec une succession de périodes d’emballement et d’effondrement. Aujourd’hui, la demande est moins variable alors que les semi-conducteurs sont à peu près partout. Comme on peut le voir sur le graphique ci-contre, les volumes de ventes ont rapidement repassé le cap des 1.000 milliards d’unités, soit 126 par être humain vivant sur la planète en 2020, alors que les replis étaient bien plus marqués et/ou durables lors des précédents retournements de marchés. Du côté de l’offre, le secteur a connu une importante consolidation. L’an dernier, les 10 premiers groupes mondiaux concentraient plus de 55% des revenus, selon le bureau d’analyse Gartner. Soit Intel (parts de marché de 15,6%), Samsung Electronics (12,4%), SK Hynix (5,5%), Qualcomm (3,8%), Broadcom (3,4%), Texas Instruments (2,9%), MediaTek (2,4%), Nvidia (2,3%) et Kioxia (2,2%). A noter que Samsung Electronics a dépassé Intel au deuxième trimestre 2021.Les semi-conducteurs, pétrole du 21e siècle? Comme l’or noir à l’origine de multiples révolutions (transports, plastiques, pharmacie, etc.), les puces sont aujourd’hui au centre de la numérisation de l’ensemble des secteurs d’activités, y compris les soins de santé, les communications, les transports (voiture électrique, etc.), l’agriculture (de précision), le big data, le cloud, etc. Et comme le pétrole tout au long du 20e siècle, la production de semi-conducteurs est de plus en plus complexe – miniaturisation oblige – exigeant des investissements de plus en plus conséquents. Combiné aux prix de vente volatils, ce dernier facteur favorise évidemment la concentration du secteur. A l’image des majors pétrolières durant la seconde moitié du 20e siècle, le secteur des semi-conducteurs voient ainsi émerger ses géants. Les leaders de marché figurent dans le top 20 des entreprises mondiales. Le groupe taiwanais TSMC, premier fondeur mondial réalisant les puces conçues par d’autres, est le mieux classé avec une capitalisation de plus de 600 milliards de dollars. On retrouve ensuite le groupe américain Nvidia (550 milliards de dollars), un concepteur sans fonderie mais leader dans les cartes graphiques et les puces pour l’intelligence artificielle. Puis vient Samsung Electronics (435 milliards de dollars), un géant plus intégré réalisant la majorité de ses profits dans les semi-conducteurs. Enfin, ASML est aujourd’hui la deuxième entreprise européenne avec une capitalisation de 350 milliards de dollars. Le groupe néerlandais est le premier équipementier mondial grâce à son quasi- monopole dans les appareils de lithographie indispensables à la production de puces. Un peu plus loin, Intel, Broadcom, Qualcomm et AMD affichent aussi une capitalisation de 100 à 250 milliards de dollars. En termes de valorisation, les écarts sont importants entre, par exemple, Intel (11 fois les bénéfices 2021 prévus), dépendant des ordinateurs, et Nvidia (55 fois), très actif dans l’intelligence artificielle. De nombreux stratégistes abordent ainsi le secteur des semi-conducteurs par segment. Mark Hawtin, directeur des investissements de GAM Research, épingle l’accélération de la croissance du marché des puces pour l’industrie automobile. De 2015 à 2019, la valeur des semi-conducteurs par voiture a progressé de 6,4% par an à 397 dollars en moyenne. La croissance devrait accélérer à environ 10% au cours des cinq prochaines années pour atteindre 630 dollars par voiture avec le développement des véhicules autonomes, notamment. Au niveau mondial, le groupe Infineon est leader de ce segment de marché. Melexis, qui a intégré le Bel20 en mars dernier, est aussi un acteur de référence dans la conception de puces pour l’automobile. L’entreprise contrôlée par Roland Duchâtelet collabore avec sa société soeur X-Fab (cotée sur Euronext Paris) qui exploite plusieurs fonderies dans le monde. Les analystes d’Allied Market Research soulignent pour leur part la forte croissance du marché des équipements: 12,9% par an entre 2020 et 2030 pour passer de 71,8 à 259,7 milliards de dollars. Un secteur où les Pays-Bas sont bien représentés avec ASML, ASM International et BE Semiconductor. Au niveau mondial, Applied Materials et LAM Research complètent le podium derrière ASML. L’ensemble du secteur des semi-conducteurs continuera toutefois à profiter d’une croissance solide de 8,6% par an entre 2021 et 2028, selon Fortune Business Insight. Suffisant pour quasiment doubler à plus de 800 milliards de dollars en 2028. Le choix d’un ETF peut donc se justifier à long terme. Deux sont disponibles pour les investisseurs belges. VanEck Vectors Semiconductor UCITS ETF (Londres, SMH, IE00BMC38736, frais annuels de 0,35%) duplique un indice rassemblant les 25 principaux acteurs de l’industrie des semi-conducteurs cotés aux Etats-Unis, incluant les groupes américains, mais aussi ASML ou TSMC. Le tracker iShares MSCI Global Semiconductors (Francfort, SECO, IE000I8KRLL9, frais annuels de 0,35%) est plus diversifié avec 242 positions dans le monde entier. Cet ETF est notamment davantage exposé aux groupes asiatiques comme le sud-coréen SK Hynix, l’équipementier japonais Tokyo Electron ou les groupes taiwanais MediaTek et Realtek récemment recommandés par les analystes de Goldman Sachs.