La Société wallonne des aéroports est à la manoeuvre à la fois pour le renflouement de l’aéroport de Charleroi, le lancement d’une activité de recyclage d’avions ou le développement de Liege Airport.
Voilà 20 ans que la Société wallonne des aéroports s.a. (Sowaer), oeuvre discrètement pour le développement des aéroports wallons, essentiellement ceux de Bierset et de Gosselies.
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Voilà 20 ans que la Société wallonne des aéroports s.a. (Sowaer), oeuvre discrètement pour le développement des aéroports wallons, essentiellement ceux de Bierset et de Gosselies. Le grand public connaît surtout les sociétés exploitant ces infrastructures, Liege Airport et Brussels South Charleroi Airport (BSCA), et leurs dirigeants, mais les pistes, les terrains, les équipements, la plupart des bâtiments liés à l’exploitation aéroportuaire appartiennent et sont entretenus par la Sowaer, contrôlée à 100% par la Région wallonne. Elle reçoit des redevances des sociétés d’exploitation et établit aussi des contrats de leasing pour certains équipements qu’elles possèdent en propre, comme les parcs de réservoirs de carburant à Charleroi ou le hall pour passagers à Liège. “Nous ne sommes pas très connus, reconnaît Nicolas Thisquen, CEO de la Sowaer. Le travail réalisé est pourtant considérable.” En 20 ans, la société a ainsi investi pas moins de 345,5 millions d’euros dans l’infrastructure de l’aéroport de Liège, et 242 millions dans celui de Charleroi. “Et puis nous sommes aussi un investisseur public au service de la relance.” Par exemple, lorsque l’aéroport de Charleroi souhaite allonger sa piste pour accueillir des longs-courriers, ce qui sera chose faite en octobre, c’est l’oeuvre de la Sowaer, qui organise les travaux, recrute et règle les prestataires (44 millions d’investissement). L’utilisateur, BSCA, paie une redevance correspondante. Lorsque les finances de BSCA sont plombées par la crise du covid (22 millions de pertes rien qu’en 2020), c’est encore la Sowaer qui est sur le front, pour mettre en oeuvre un plan de renflouement. “Nous sommes en contact avec la Commission pour préparer les opérations et avoir toutes les chances qu’elles soient jugées conformes aux règles européennes”, déclare Alain Belot, directeur général en charge des finances. La Commission, naguère, avait en effet contesté le montant de la redevance payée par BSCA pour l’usage de l’aéroport, suspectant un subside illicite déguisé, et imposé en 2014 que cette redevance soit augmentée, passant de 3 millions à près de 15 millions d’euros par an. “Sur ces questions, nous avons une meilleure compréhension de l’approche de la Commission européenne, continue Alain Belot. Lorsque nous avons une décision à soumettre à son examen, nous discutons en amont avec ses représentants.” C’est par ailleurs à nouveau la Sowaer qui est à la manoeuvre pour développer une activité de démontage et recyclage d’avions prévue à l’aéroport de Charleroi dans le cadre des projets de relance, et annoncée récemment. La société restera propriétaire des terrains utilisés, ainsi que de la dalle qui y sera construite. Et c’est elle qui organisera un appel à projets pour attirer un opérateur. On l’a dit, la séparation entre la propriété et l’usage rend la Sowaer peu visible. Certes, les décisions stratégiques sont bien annoncées par les sociétés de gestion, Liege Airport et BSCA, ou par le ministre de tutelle. Mais l’exécution passe en bonne partie par cette structure, une PME de 70 personnes, basée à Namur et bientôt installée dans la zone Ecolys, à Suarlée. La Sowaer a été créée en 2001 pour réunir les actifs aéroportuaires légués à la Région wallonne par la fédéralisation du pays. Le choix d’une structure de société anonyme et non d’une administration publique a été posé pour bénéficier de la logique comptable privée, autorisant l’amortissement des investissements, donc l’étalement comptable des charges sur de nombreuses années (20 ans pour une piste par exemple), alors que les comptes publics fonctionnent en cash, toute dépense étant comptabilisée l’année où elle est réalisée. Ce choix permettait par ailleurs de limiter l’impact des investissements sur les comptes publics scrutés par la Commission européenne, avec les règles du traité de Maastricht sur les déficits et l’endettement. Fort répandue, cette débudgétisation a toutefois été depuis lors rendue impossible: les pertes et les dettes de ces structures publiques satellites sont bien consolidées dans les budgets des Etats. La séparation entre la propriété et l’exploitation des aéroports wallons permet aussi d’impliquer, dans le capital des exploitants, des acteurs publics locaux et des actionnaires privés. Ainsi à Liege Airport, Nethys (province de Liège) est un actionnaire dominant. Ces derniers mois, les conseils d’administration de ces sociétés ont toutefois été renouvelés: on en a réduit l’ampleur, et on y a augmenté la part des experts au détriment des politiques. Le CA de Charleroi est par exemple désormais présidé par Gilles Samyn, ancien lieutenant d’Albert Frère et ex-CEO de la CNP (*).La déduction de la TVA (par ruling) est aussi une raison de maintenir une entité de droit privé. Et puis les comptes des aéroports seraient bien peu attrayants sans la Sowaer, car ils devraient afficher les pertes actuellement logées dans cette structure (66 millions d’euros de perte cumulée dans son bilan 2020). La société est en effet souvent dans le rouge, à cause notamment des lourds amortissements générés par ses investissements dans les aéroports. “Sans elle, il serait difficile d’intéresser des actionnaires privés aux sociétés d’exploitation des aéroports”, commente un connaisseur du dossier. Pour la Région, unique actionnaire de la Sowaer, ces pertes sont moins graves: elle cherche des retombées davantage en matière d’emplois que de dividendes. La situation des aéroports wallons est l’inverse de celle de Brussels Airport, confortablement bénéficiaire jusqu’à la pandémie et qui cumule la propriété des infrastructures et leur exploitation. Brussels Airport profite de sa position centrale historique, près de la capitale, qui permet de tirer de meilleures redevances, et d’un effet d’échelle plus important (plus de 26 millions de passagers par an avant la pandémie vs 8 millions pour Charleroi). En Région wallonne, l’équation financière est différente, il faut accorder des conditions pour attirer des compagnies. Ce qui implique des recettes moindres par passager et des subsides dans les limites autorisées par la Commission européenne. Les gouvernements régionaux poursuivent cette politique, avec l’argument des emplois créés (environ 14.500 pour les deux plateformes). Cela explique qu’aucun parti, même Ecolo, ne s’oppose à ces aéroports. Les critiques proviennent plutôt de riverains. Un dossier que la Sowaer est aussi chargée de gérer. Elle a ainsi reçu dès sa création la mission du gouvernement wallon de mettre en oeuvre des mesures environnementales. Celles-ci consistent à racheter des maisons, à en financer l’isolation phonique, payer des primes de déménagement ou pour trouble commercial dans les zones où le niveau sonore est jugé élevé (zones PEB), régulièrement revues. Ces dépenses sont payées par une ligne budgétaire du gouvernement wallon. “En 20 ans, ces mesures d’accompagnement ont représenté 513 millions d’euros”, précise Nicolas Thisquen, qui reconnaît que les plaintes “explosent”, en particulier autour de l’aéroport de Liège, “surtout pour les vols de jour”. Cette mission déléguée par la Région alimente le parc immobilier que gère la Sowaer, qui comprend plus de 1.600 immeubles qu’elle loue, revend, voire démolit, selon les situations. La Sowaer va même développer un corridor écologique autour de l’aéroport de Liège. Nicolas Thisquen, qui s’attend à des sourires ironiques sur l’initiative, maintient que “ce n’est pas une question d’image, mais de conviction. Nous allons installer des ruches, des abris pour animaux.” Avec certaines limites tout de même, “on sait que les oiseaux sont dangereux pour les avions”.